Bombardiers d’eau au 20h : une phrase, une approximation

Ce soir, le jour­nal télé­vi­sé de France 2 a eu la bonne idée d’in­clure un sujet sur les moyens aériens de lutte anti-incen­die de la Sécu­ri­té civile — plus par­ti­cu­liè­re­ment les immobilisations.

Ça com­mence comme ça :

Cap­ture d’é­cran par­tielle du JT de France 2

Arnaud Comte : Notre pays compte 23 avions par­mi les­quels, le détail va s’af­fi­cher, 12 Cana­dair, 9 avions Tra­cker et 2 avions Dash.

Bien sûr, vous aurez remar­qué (contrai­re­ment à tous les jour­na­listes du pla­teau, qui ont donc par­ti­cu­liè­re­ment bien tra­vaillé leur sujet) qu’ils ont affi­ché 9 Dash et 2 Tracker.

Ça conti­nue comme ça :

Cap­ture d’é­cran par­tielle du JT de France 2

Les Cana­dair sont vieux : 20 ans. Quant à ces avions bom­bar­diers d’eau, les Tra­cker, ils sont encore plus vieux : 58 ans en moyenne.

Alors, tech­ni­que­ment, c’est pas faux, mais c’est ten­dan­cieux : on peut pas dire qu’un Cana­dair soit vieux à 20 ans alors que cer­tains CL-215 ont fêté leurs 45 ans et conti­nuent à ser­vir au quo­ti­dien — TC-TKM, par exemple, a été construit en 1970.

Quant aux Tra­cker, ils ont été entiè­re­ment refaits lors de leur conver­sion (années 80), puis lors de leur remo­to­ri­sa­tion (années 90). Leur état n’est pas com­pa­rable à celui de vrais avions de 1959 “dans leur jus” et ils ont, en par­ti­cu­lier, une moto­ri­sa­tion moderne et plu­tôt fiable. TC-TKM, pour reprendre son exemple, est sans doute plus “vieux” tech­ni­que­ment par­lant que les Tra­cker de la Sécu­ri­té civile.

Enfin, les Dash ne sont pas men­tion­nés. Pour ceux que ça inté­res­se­rait, ils ont 16 ans : leur état doit donc être presque aus­si inquié­tant que celui des Cana­dair, non ?

Cap­ture d’é­cran du JT de France 2

En moyenne, ces avions font 2500 lar­gages par an, 800 heures de vol. En 2017, on en est déjà à 4800 lar­gages pour 2000 heures de vol, c’est plus du double.

Je suis d’ac­cord sur le fait que 2000 > 800 × 2. En revanche, fau­dra m’ex­pli­quer dans quel uni­vers 4800 dépasse 2500 × 2. On est donc “gros­so modo” au double, mais pas à “plus du double”.

Cap­ture d’é­cran par­tielle du JT de France 2

Quand on sait qu’un Cana­dair écope à plus de 200 km/h en tou­chant l’eau, on com­prend juste avec cette pho­to qu’il peut y avoir du dégât à tout moment et que des avions sont très vite hors service.

Alors d’une part, ça fait plai­sir de voir que Péli­can 21 a tou­jours droit aux hon­neurs du JT, alors qu’il n’a plus volé depuis plus de vingt ans et que, après avoir pour­ri dans un coin de l’aé­ro­port pen­dant une petite dizaine d’an­nées, il a été ven­du au musée de Speyer en 2004.

D’autre part, la vitesse lors d’un éco­page est de l’ordre de 130 km/h. C’est beau­coup moins que “plus de 200 km/h”, sur­tout que l’éner­gie ciné­tique évo­lue avec le car­ré de la vitesse : à 130 km/h, les impacts ont 2,3 fois moins d’éner­gie qu’à 200 km/h.

Enfin, figu­rez-vous que, aus­si éton­nant que ça puisse paraître, les bom­bar­diers d’eau Cana­dair sont conçus pour pou­voir éco­per. Les contraintes de l’o­pé­ra­tion ont donc été prises en compte dès 1969 et on a eu presque cinq décen­nies pour maî­tri­ser cet art. Certes, c’est par nature une opé­ra­tion cri­tique, mais le der­nier acci­dent remonte à mars 2004 et il n’ar­rive heu­reu­se­ment pas quo­ti­dien­ne­ment que des dégâts à l’é­co­page clouent un Cana­dair au sol.

Cap­ture d’é­cran du JT de France 2

Mer­ci, Arnaud, pour ces informations.

Pas mieux. 😢