Le dernier socialiste
|de Jim, 2009, ****
Le projet est tombé sur Jean comme tous les boulots, finalement : par hasard. Interviewer pour une télé en ligne quatre archétypes des principaux courants politiques : un socialiste, un libéral, un centriste, un altermondialiste. Le voilà parti avec sa caméra, décidé à commencer par le plus simple : des socialistes, il en a plein dans sa famille, ses anciens potes de fac le sont, tout ça…
Mais de surprise en surprise, il constate : les socialistes, les vrais, dans la vraie vie, ils ont tous disparu. L’un est devenu un petit-bourgeois et vote UMP, un autre a viré facho de gauche parce que le PS n’a plus couilles, celui-ci a viré centriste après tant de déception de gauche comme de droite, celui-là est devenu bobo du XIXè…
Pour ceux qui, comme moi, connaissent Jim pour ses œuvres humoristiques (La flemme, fainéant flemmard & glandeur-né, Tous les défauts des mecs ou 500 idées pour glander au boulot en ce qui me concerne), ça peut faire un petit choc, un peu comme quand Manu Larcenet est passé d’un coup de faiseur amusant des aventures de Bill Baroud et de Donjon parade à auteur majeur de la littérature du XXIè siècle avec Le combat ordinaire.
Enfin, pas tout à fait quand même, la planète ne supporterait pas deux séismes de cette magnitude (meuh non, je suis pas totalement extatique à la seule mention du Combat ordinaire, c’est juste à la littérature ce que American beauty est au cinéma).
Donc, Jim nous livre ici un truc pas drôle — ou si, très drôle, mais d’un drôle grinçant qui vous fera mal aux dents. Un truc assez politique, mais pas moralisateur, qui pose des questions sans donner de réponses — peut-être parce que, objectivement, il n’y a pas de réponses à ces questions fondamentales… —, une superbe galerie de portraits assez fins d’un peuple de gauche en déliquescence¹, dont les membres sont perdus entre rien et rien, dont les idéaux ont disparu et dont l’espoir a été foulé aux pieds par ceux-là même qui devaient le porter².
Bien sûr, ma propre situation de type qui se sent fondamentalement socialiste (malgré un joli lot de contradictions internes qui me valent d’être traité de facho villiériste par certain ami) et totalement abandonné par ses représentants théoriques influe peut-être sur mon appréciation de l’œuvre. Faudrait que je trouve un vrai libéral pour la lire et la commenter de son œil, il aura peut-être un avis différent. Et faudra peut-être aussi que je la relise pour m’en refaire une idée plus reposée.
En attendant, au premier coup d’œil, j’ai adoré. Pourtant, c’est une belle série de baffes dans la gueule pour les gens comme moi.
¹ Comptez, parmi les blogs que vous suivez, combien ont déjà utilisé ce mot, et revenez me voir, ça m’intéresse. Juste pour savoir à quel point j’ai tendance à user d’un langage surrané vieillot.
² Lionel, Ségolène, Martine, comme apparemment vous avez souvent du mal à comprendre, je sous-titre : oui, celle-là, c’est dans vos dents.