Il est huit heures et demie, le 14 août 2010, quand nous sor­tons la voi­ture du parc fer­mé. Nous nous élan­çons en dixième posi­tion, ce qui est qua­si­ment la meilleure place sur ce ter­rain pous­sié­reux de l’A­cro­pole. La veille, nous avons bien rou­lé, assu­rant avant tout la sur­vie de la voi­ture. Nous sommes dixièmes, à une tren­taine de secondes de Sébas­tien, qui mène la course sur la cou­sine de chez Citroën. Nous n’a­vons pas cher­ché à le suivre. Nous sommes en tête du cham­pion­nat, et Séb est notre prin­ci­pal adver­saire ; nous avons déci­dé de le lais­ser cou­rir la vic­toire si l’en­vie lui en pre­nait. La Citroën est peut-être assez à l’aise sur ce ter­rain pour tenir jus­qu’au bout à ce train, mais j’en doute. L’an­née der­nière, il n’a gagné que pour quelques cen­taines de mètres, sa sus­pen­sion s’é­tant affais­sée en vue de l’ar­ri­vée et lui ayant à peine per­mis de se traî­ner jus­qu’au parc.

Aujourd’­hui, c’est dif­fé­rent… Demain ne com­porte qu’une courte étape, où nous n’au­rons pas le temps de faire une dif­fé­rence. C’est donc main­te­nant qu’il faut y aller. À fond. L’ob­jec­tif étant de pro­fi­ter d’une posi­tion favo­rable pour refaire le retard.

ES 9, départ : neuf heures douze. Yoko va poin­ter au contrôle. Douze kilo­mètres, éton­nam­ment rapides pour l’A­cro­pole, nous attendent. Une mon­tée étroite et tech­nique, sui­vie d’un pas­sage de col pié­geux, avant une des­cente courte mais ryth­mée où j’au­rai du mal à tenir. Séb, plus adroit que moi dans les des­centes déli­cates, n’y sera sans doute pas acces­sible. Je sais que c’est dans la mon­tée, et sur­tout dans le pas­sage du col, que je peux gagner quelques secondes dans cette spéciale.

Pneus durs, pour gra­vier cou­pant. Sus­pen­sions rehaus­sées et assou­plies en vue du pas­sage de col, où je pense avoir trou­vé une tra­jec­toire peu aca­dé­mique, en pas­sant deux roues hors de la route, dans une petite ornière, qui devrait payer.

Yoko est reve­nue. On s’a­vance jus­qu’au départ. La main par la vitre, Yoko récu­père le pré­cieux tam­pon qui indique notre heure de départ et notre délai pour rejoindre l’ar­ri­vée. Le car­net de route ain­si com­plé­té, on se pré­pare. Nous met­tons cagoules et casques, véri­fions la fer­me­ture des com­bi­nai­sons et res­ser­rons les har­nais. Ce sont les mêmes gestes, que nous connais­sons bien.

Un doigt ten­du devant moi m’in­dique qu’il me reste une minute. La radio grésille.

— Fram de Pier­rot, Fram de Pier­rot, on a les temps.

— Envoie.

— Sébas­tien, fini en onze minutes trente-trois, Marion, onze trente-huit, Alis­ter, onze trente-cinq, Richard, onze trente-neuf, Colin, aban­don, Toshi­hi­ro, onze quarante-deux.

— Copié, merci.

— Bon, tu pousses. Per­sonne n’a réus­si à cho­per Séb.

— Enten­du, je m’y atten­dais. Trente secondes, je te laisse.

Je coupe la com­mu­ni­ca­tion. Bien sûr, per­sonne n’a pu accro­cher Sébas­tien. Il est trop bon dans la des­cente. Si on met un inter­mé­diaire au col, je suis à peu près sûr que Marion fait jeu égal avec lui dans la montée.

Je suis content de voir Marion deuxième de ce ral­lye. Elle a suf­fi­sam­ment galé­ré pour obte­nir un volant d’u­sine pour l’a­voir ample­ment méri­té. Ce n’est pas par hasard qu’elle est là ; elle n’a pas volé sa place. Elle l’a conquise de haute lutte après quelques jolis exploits en Junior conclus par une deuxième place au cham­pion­nat 2009. C’est elle qui se retrouve aujourd’­hui dans une voi­ture d’u­sine, c’est elle qui a insuf­flé le rythme de Ford depuis le début de l’an­née ; c’est elle qui a été la pre­mière femme depuis Michèle Mou­ton à mon­ter sur un podium en cham­pion­nat du monde. Elle est gen­tille, sym­pa­thique, un peu timide, mais très régu­lière et rapide. Et sacré­ment jolie, ce qui ne gâte rien. Ce n’est pas pour rien qu’elle est chou­chou­tée par tous les médias du monde.

Et puis, par prin­cipe, je suis heu­reux de voir une femme lut­ter aux avants-postes.

Mais de là à accro­cher le train d’en­fer mené par Sébas­tien, il ne faut pas rêver.

Dix secondes, me dit la main. Je débraye et pousse le cer­ceau. Un cla­que­ment sourd me confirme que la boîte a bien ren­tré la première.

Cinq, quatre, trois, deux, un…, je fais ron­fler le moteur.

La main s’é­carte brus­que­ment, j’ac­cé­lère en lâchant l’embrayage. Les roues patinent juste ce qu’il faut, la voi­ture s’é­lance. “Deux cents pour droite bas deux…” Mer­ci Yoko.

On part à bloc. C’est là, tout de suite, qu’il faut gagner du temps si l’on veut en gar­der un peu pour la des­cente. Si on ne trouve pas le rythme d’en­trée de jeu, ça va deve­nir très dur pour la suite. Onze trente-trois… Si on arri­vait sous les onze trente, ce serait extra­or­di­naire. Pas de doute, Séb s’est défon­cé. Il sait que nous sommes plu­sieurs qui avons atten­du dans l’ombre et dévoi­lons seule­ment main­te­nant notre jeu. Des vieux renards, pour l’es­sen­tiel, à com­men­cer par Car­los, l’in­cre­vable, qui pilo­tait déjà alors que la plu­part d’entre nous n’é­tions même pas nés.

Car­los doit rac­cro­cher à la fin de cette sai­son. À cin­quante-cinq ans, je le com­prends. Il cherche à finir en beau­té, sa deuxième place en Cata­logne, juste der­rière Séb, en atteste. Il est juste devant moi, et on le sait redou­table sur ce terrain.

La mon­tée se passe bien. Cette spé­ciale a beau être une des plus rapides de l’A­cro­pole cette année, elle reste lente : soixante kilo­mètres à l’heure envi­ron. Je m’ap­plique sur­tout à prendre de belles tra­jec­toires, en glis­sant juste ce qu’il faut, à l’aide du frein pied gauche.

Au col, je regarde rapi­de­ment les traces lais­sées par mes pré­dé­ces­seurs. C’est bon, je sais que ça va bien mar­cher : pas un n’a pris ma petite rigole. Je saute dedans, calant la voi­ture d’un coup de freins en bra­quant à peine. La roue s’ac­croche, enfon­cée dans l’or­nière, la voi­ture tourne en se déles­tant légè­re­ment sur la bosse. J’en­fonce l’ac­cé­lé­ra­teur, c’est par­ti pour la descente.

Là, je sais que je per­drai du temps. L’ob­jec­tif est de limi­ter les dégâts en rou­lant aus­si vite que pos­sible, sans prendre de risque exa­gé­ré. J’es­saie de res­ter propre dans ma conduite, mais je n’aime pas la des­cente et cela se res­sent sur mes trajectoires.

Je ne me sou­viens plus de la note exacte. Ce devait être un “cent pour droite à fond cinq”, à peu de chose près.

C’é­tait en tous cas un droite vers cent soixante kilo­mètres à l’heure. Il y avait un trou à la corde, qui avait été creu­sé par mes pré­dé­ces­seurs. J’ai pris une tra­jec­toire un peu trop exté­rieure à l’en­trée de la courbe, igno­rant la pré­sence de cette ornière.

La roue avant droite s’est affais­sée dans le trou, a rebon­di au fond et per­du toute adhé­rence. Le nez de la voi­ture a brus­que­ment tiré vers l’ex­té­rieur, vers le flanc de colline.

Par réflexe, j’ai mis plein gaz en don­nant un coup de frein à main.

Il semble, à pos­te­rio­ri, que c’est ce simple réflexe, en met­tant la voi­ture en glisse, qui nous a sauvés.

En effet, au lieu de tirer droit devant elle et d’al­ler s’é­cra­ser sur le gros rocher qui nous fai­sait face, la voi­ture s’est incli­née et a obli­qué, en crabe, pour évi­ter le roc. Elle a bas­cu­lé, sur toute sa lon­gueur, sur le bord de la route avant de des­cendre dans le fossé.

Elle est pas­sée sur le toit, presque sans tou­cher le sol, puis a tapé un arbre juste dans l’axe du volant. J’ai vu l’ar­ceau se tordre, s’é­cra­ser sous le choc, tan­dis que ma tête était atti­rée vers l’a­vant par le choc. Mon casque a tapé la barre d’a­cier, et j’ai per­du conscience.

Ce fut Yoko qui me réveilla. J’a­vais la tête en bas. L’ar­ceau était à cinq cen­ti­mètres de ma tête. À droite, en revanche, tout avait bien tenu mais elle était encore accro­chée à son harnais.

J’a­vais très mal à la tête, et je voyais à peine ce qui m’en­tou­rait. Je res­sen­tais une ter­rible pres­sion sur le ventre et les jambes, et tout mon poids tirait dessus.

La voi­ture devait être détruite, si j’en jugeais par l’é­tat de ce que je voyais. Le pare-brise, de mon coté, n’exis­tait plus. Ce qui avait été le pavillon tou­chait presque le tableau de bord, là où l’arbre avait tapé. Le tableau de bord lui-même avait écla­té sous le choc, pro­je­tant des débris dans tout l’ha­bi­tacle. Ce qui en res­tait avait recu­lé d’une cin­quan­taine de cen­ti­mètres, et me coin­çait à la taille et aux jambes, m’é­cra­sant à moitié.

De mon côté, il n’y avait plus de vitre à la por­tière, ni de glace arrière. Tout le flanc de la voi­ture sem­blait avoir été enfon­cé. À droite, en revanche, tout sem­blait nor­mal. Yoko défit son har­nais, se retour­na pour s’a­ge­nouiller sur le toit et se tour­na vers moi.

— Gen­ki da ka? Ça va ?

Il me fal­lut un moment pour répondre. J’a­vais tou­jours cette dou­leur dans la tête, j’é­tais coin­cé et je n’a­vais pas la moindre idée de la manière dont j’al­lais pou­voir sortir.

— Je crois, oui. Et toi ?

— Ça va. J’ai cou­pé les circuits.

Elle manœu­vra la com­mande de sa por­tière, qui refu­sa de s’ou­vrir. Alors, usant de son casque comme d’un bélier, elle mit un grand coup de tête dans la glace, déjà fis­su­rée, qui écla­ta. Elle se fau­fi­la par l’ou­ver­ture, contour­na la voi­ture, revint de mon côté.

Ma por­tière était écra­sée et inuti­li­sable. Toute la voi­ture avait dimi­nué de hau­teur, de mon côté, et l’ar­ceau tor­du avait blo­qué toute issue. J’é­tais coin­cé et ne pou­vais pas sor­tir par la por­tière droite.

— Tu sens tes jambes?

— Si on veut… J’ai l’im­pres­sion qu’elles se gonflent, tu sais, comme quand on fait un gar­rot… Enfin, je peux bou­ger mes orteils, c’est bon signe.

Yoko essaya un moment de me déga­ger, mais c’é­tait peine per­due. Il allait fal­loir décou­per la voi­ture pour me libérer.

J’at­ten­dis ain­si un temps qui me parut inter­mi­nable. Yoko était tou­jours à proxi­mi­té. Elle avait récu­pé­ré l’ex­tinc­teur de bord et veillait au moindre départ de flamme.

Je repen­sais à ce qui s’é­tait pas­sé. La voi­ture, au lieu de par­tir en ton­neaux, était sor­tie à plat, pas­sée sur le toit et s’é­tait arrê­tée d’un coup dans un arbre. Dans une série de ton­neaux, on perd sa vitesse pro­gres­si­ve­ment, en plu­sieurs chocs ; là, la barre trans­ver­sale que j’a­vais per­cu­tée avait dû dis­si­per en une fois toute l’éner­gie de la voiture.

Pour­tant, je pen­sais avoir pris la bonne déci­sion. Tapant de la même manière dans le rocher, au bord de la route, le choc aurait été plus violent encore, mal­gré le nez de la voi­ture qui, en s’é­cra­sant, aurait pu amortir.

Et puis, je ne pou­vais pas savoir que nous nous arrê­te­rions d’un coup dans cet arbre.

Le sang me des­cen­dait à la tête, accen­tuant ma dou­leur, tan­dis que je per­dais tota­le­ment la sen­si­bi­li­té de mes jambes. Au fil des minutes qui pas­saient, j’a­vais l’im­pres­sion de me cou­per petit à petit sur les restes du tableau de bord.

Je fai­sais de gros efforts pour res­ter conscient. Yoko me par­lait, et je lui répon­dais. Je n’ai pas la plus traître idée de ce que nous avons pu nous dire. Je ne sen­tais plus rien sous la cein­ture. Mon sang ne devait plus cir­cu­ler. Ma tête gon­flait peu à peu et la dou­leur s’ap­pro­chait de l’insoutenable.

Enfin, les com­mis­saires arri­vèrent. Il ne purent rien faire de plus que ce qui avait été fait, mais ils appe­lèrent le méde­cin et l’é­quipe de désincarcération.

Le méde­cin arri­va plus de dix minutes après l’ac­ci­dent. J’é­tais tou­jours coin­cé la tête en bas, souf­frant le mar­tyre dans cette posi­tion, avec l’im­pres­sion d’a­voir per­du mes jambes, mon poids me cisaillant la taille mal­gré mon harnais.

Appre­nant que j’a­vais per­du connais­sance, il deman­da une éva­cua­tion héli­por­tée. Ce devait être mon pre­mier et avant-der­nier voyage en hélicoptère.

En atten­dant qu’ar­rive l’É­cu­reuil du ser­vice médi­cal, on s’af­fai­ra à m’ex­traire de la voiture.

Il fal­lut scier l’ar­ceau, après avoir arra­ché la por­tière, puis détruire patiem­ment ce qui res­tait de tableau de bord qui me main­te­nait prisonnier.

Enfin, lorsque je pus bou­ger mes jambes, Yoko m’ai­da à défaire mon har­nais. J’é­tais à moi­tié éva­noui, la tête dou­lou­reuse et gon­flée de sang, et inca­pable du moindre geste.

C’est lorsque je vou­lus me tour­ner pour sor­tir de son côté que je sen­tis que j’a­vais une che­ville fracturée.

En voyant la voi­ture de l’ex­té­rieur, et les images des spec­ta­teurs mon­trant l’ac­ci­dent, j’ai eu du mal à croire que je n’a­vais en tout et pour tout qu’une che­ville cas­sée et quelques bleus.

La voi­ture avait en fait, après le choc, fait une dizaine de ton­neaux en des­cen­dant dans les arbustes, pour s’ar­rê­ter sur un ter­rain peu ou prou plat.

Le plus impres­sion­nant, en fin de compte, était l’é­tat de mon casque. Sous l’im­pact avec l’ar­ceau, il avait lit­té­ra­le­ment écla­té. Il est pour le moins éton­nant que je n’aie eu aucune lésion céré­brale après un choc suf­fi­sam­ment violent pour détruire un casque, mais ce fut le cas.

— Ça y est, la preuve est faite : tu n’as pas de cer­veau !, devait plus tard iro­ni­ser Benoît…

Je fus éva­cué par héli­co­ptère sur l’hô­pi­tal d’A­thènes. Yoko m’y rejoi­gnit une heure plus tard. Le scan­ner que j’a­vais pas­sé n’a­vait, contre toute attente, rien révé­lé d’a­nor­mal et un rapide bro­chage de la che­ville devait me per­mettre de remar­cher dans les quinze jours. L’his­toire retint que, deux semaines plus tard, mal­gré une che­ville encore fai­blarde, nous finis­sions à la deuxième place du Safa­ri, un ral­lye qui nous avait tou­jours réussi.

À peine ren­tré à ma chambre, Pier­rot, le direc­teur de l’é­quipe, débar­qua en vociférant:

— Et ben, Fram, on prend des vacances? On traîne au lit alors qu’on devrait être en spé­ciale? Non mais, je peux savoir ce que t’as fou­tu? T’as vu la gueule de ta bagnole? C’est quoi, ce bou­lot? T’es payé pour gagner des ral­lyes, pas pour envoyer des 207 à la casse! Tu crois que ton titre te per­met toutes les conne­ries? Com­ment t’as fait, d’abord?

Je répon­dis, penaud, ne m’at­ten­dant pas à cette engueulade:

— La roue droite a rebon­di dans une ornière à la corde, et le nez est par­ti. Tu vou­lais que je fasse quoi?

— De mieux en mieux! Tu sais que tu es sûre­ment le seul pilote à ne pas savoir qu’il y a des ornières au ral­lye de l’A­cro­pole! Tu te crois où, à San Remo? Ça chan­ge­rait rien d’ailleurs, t’as jamais été capable de rou­ler nor­ma­le­ment sur bitume! Mais au moins, là-bas, tu nous bou­sillais pas une caisse!

La douche froide conti­nua un long, très long moment. Je fai­sais le dos rond, pas fier. Et puis, enfin, la tor­nade prit fin. Pier­rot sor­tit pour rap­pe­ler à ses pilotes encore en course qu’ils avaient un ral­lye à gagner et qu’un autre résul­tat n’é­tait pas envisageable.

Lors­qu’il par­tit, une infir­mière se retour­na vers moi.

— Il est tou­jours comme ça?

— D’ha­bi­tude, non… Je sais pas ?

— En tous cas, je ne m’at­ten­dais pas à ça après l’a­voir vu vous cher­cher. Il a tour­né en rond pen­dant une demi-heure en répé­tant à tout le monde, dans un simi­li anglais: “Vous ne savez pas com­ment va Fram Neeck? C’est mon pilote, il fau­drait pas qu’il se soit bles­sé, le pauvre. Je sais pas ce qu’il s’est pas­sé, il a eu un acci­dent, il a été trans­por­té en héli­co­ptère. J’es­père que ce n’est pas grave, mon petit, pour­vu que ce ne soit pas grave…” Quand on lui a dit que vous n’a­viez qu’une che­ville cas­sée, il a paru sou­la­gé comme si on venait de sau­ver la vie de son fils. Et il arrive, et il vous engueule des pieds à la tête?!

Enfin, la sur­prise vint me voir sous la forme de Sébas­tien. Il ne devait pas gagner l’A­cro­pole cette année-là : sa voi­ture n’a­vait une nou­velle fois pas résis­té au train d’en­fer qu’il menait et la sus­pen­sion avant droite avait cas­sé. Il en pro­fi­ta pour pas­ser aux nou­velles, ce qui me fit un immense plai­sir. On dis­cu­ta long­temps, tout en sui­vant à la télé­vi­sion l’é­vo­lu­tion du ral­lye que nous avions quit­té prématurément.

Les méde­cins vou­laient me gar­der deux jours en obser­va­tion mais, le len­de­main, ils ne purent m’empêcher d’al­ler sur mes béquilles applau­dir avec Sébas­tien la pre­mière vic­toire d’une femme depuis vingt-six ans : Marion avait bien tenu son rôle et gar­dé sa seconde place, deve­nue pre­mière après nos aban­dons, sans faillir, au nez et à la barbe de quelques mâles, et non des moindres, qui la pen­saient inca­pable de résis­ter à la pression.

(25/10/2001)