À tous ceux qui, le matin, se réveillent pour aller au bou­lot avec une furieuse envie d’al­ler voir ailleurs si l’air y est plus pur.

À sept heures du matin,

Ils se sont réveillés

Pour aller au chagrin

Comme des bœufs travailler.

Ils vont à la fenêtre

Pour le ciel regarder.

Météo : “C’est la fête

Va faire qua­rante degrés !”

Mais ils se sont plantés,

Oui, plan­tés comme toujours,

La neige est arrivée,

Ça va durer trois jours…

Moi je prends les grosses grolles

Pour mar­cher dans la neige,

Le blou­son sur l’épaule,

L’é­charpe de laine fraîche.…

Quand le jour se lève,

Les bœufs vont au boulot,

En mau­dis­sant la neige,

En rou­lant comme des veaux ;

Ils s’en­gueulent au feu rouge,

Prêts à s’entre-assomer,

Voyant que rien ne bouge

Sur la route encombrée.

Ils conduisent comme des bêtes

Par la glisse apeurés,

Accé­lèrent un coup sec

Et finissent au fossé…

Moi je marche sans fin

Ava­lé par la neige,

Je suis tran­quille enfin,

Et mon Soleil se lève…

Le jour avance un peu,

Les vieux sont au boulot.

Ils râlent comme des bœufs

Contre la météo.

Ils vont faire l’inventaire

Tout au long d’la journée

De leurs petites misères,

De leurs vies de paumés.

Vont par­tir à midi

Pour bouf­fer au McDo

De la merde précuite

Avec un grand verre d’eau…

Moi je suis au sommet

De la Meije, au fin fond

D’un superbe névé,

J’at­taque le saucisson…

Je rentre à la ville,

Je suis triste comme un pou

D’a­voir dû revenir

Dans cette vie, dans cette boue.

Je remue en tous sens,

Il n’y a plus personne,

Car pen­dant mon absence

Ont déser­té les hommes.

Ils ont fui, les gros cons

Par­tis dans la vallée,

Ils ont fui les flocons

Et m’ont lais­sé en paix…

Et si demain, il neige,

J’emmènerai ma gamine

Pour mar­cher sur la Meije

Dans cette neige fine…

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