Free wars, épisode II : l’attaque du clown

Vous avez peut-être vu Free wars, épi­sode I : la menace fan­tasque, dans lequel la Socié­té des Pro­duc­teurs de Pho­no­grammes agres­sait Free (et uni­que­ment Free) pour le ser­vice dl.free.fr, lequel exis­tait depuis deux ans et n’of­frait rien de plus que cer­taines offre de Neuf ou d’hé­ber­geurs amé­ri­cains. Pour ceux qui l’i­gnorent, dl.free.fr per­met de sto­cker pen­dant un mois des fichiers attei­gnant 10 Go pour les par­ta­ger avec ceux à qui l’on trans­met­tra l’URL.

Si vous avez aimé La menace fan­tasque, vous allez ado­rer L’at­taque du clown.

Cette semaine, Madame Alba­nel, ministre de la Culture et des Com­mu­ni­ca­tions, est à son tour mon­tée au cré­neau, tou­jours en atta­quant Free et seule­ment Free (qu’ont donc fait les autres ser­vices ana­logues pour béné­fi­cier d’un tel je-m’en-fou­tisme ?), en l’ac­cu­sant d’en­cou­ra­ger le pira­tage. Avec un petit truc amu­sant en plus.

En effet, Iliad, groupe pos­sé­dant le four­nis­seur d’ac­cès à Inter­net (FAI) Free, avait dépo­sé un dos­sier auprès de l’AR­CEP (auto­ri­té des télé­coms) pour obte­nir la qua­trième licence 3G, vous savez, pour les télé­phones por­tables qui se shootent à l’in­ter­net. Mais Iliad ne vou­lait pas ver­ser d’un coup les 620 mil­lions d’eu­ros, et l’AR­CEP a reje­té sa demande.

Là-des­sus, Alba­nel ramène sa science et y va fran­che­ment : elle joue au maître chan­teur de mater­nelle. En sub­stance, ça donne un truc comme : on peut s’ar­ran­ger pour le paie­ment et accor­der à Iliad la licence 3G, à condi­tion que Free sup­prime dl.free.fr.

D’une part, Alba­nel confond ain­si ses deux cas­quettes. L’af­faire Free pirate, ça concerne le ministre de la Culture, qui doit sou­te­nir la créa­tion artis­tique, droits d’au­teur, pira­tage, tout ça. L’at­tri­bu­tion de la licence à Iliad, elle, concerne le ministre de la Com­mu­ni­ca­tion, char­gé d’or­ga­ni­ser les télé­coms en France. Alba­nel ne voit pas la dif­fé­rence, mais c’est comme si, je sais pas, un Pré­sident de la Répu­blique allait à l’é­glise en tant que catho­lique et au nom des Fran­çais (ah, mince, Chi­rac l’a faite, celle-là… Pour­tant, en pays laïque, c’est Jacques Chi­rac qui va à la messe si ça l’a­muse, mais le Pré­sident, non).

D’autre part, Alba­nel confond deux socié­tés. Certes, Free appar­tient à Iliad, mais ce sont deux socié­tés dif­fé­rentes. Ici, on est dans le domaine du : Toi, je te fais pas confiance, ton père était un voleur. On confond deux per­sonnes (morales en l’oc­cur­rence) dif­fé­rentes sim­ple­ment parce qu’elles sont reliées.

Acces­soi­re­ment, on peut s’in­quié­ter pour la qua­li­té d’une Répu­blique qui n’hé­site pas à faire chan­ter une socié­té pri­vée pour qu’elle fasse pres­sion sur une autre pour éli­mi­ner un problème.

Per­son­nel­le­ment, je m’é­tonne aus­si un peu que le ministre des Com­mu­ni­ca­tions demande ain­si à un four­nis­seur d’ac­cès à Inter­net de ces­ser de favo­ri­ser la dif­fu­sion de don­nées. C’est le but même d’In­ter­net, comme de tous les réseaux, l’é­change de don­nées. Et le bou­lot d’un FAI est de don­ner accès à ces échanges de don­nées, et le bou­lot d’un bon FAI est de mettre en place les outils les plus simples et les plus puis­sants pos­sible pour faci­li­ter l’é­change de don­nées. Ensuite, savoir quelles don­nées cir­culent sur ces outils, ce n’est pas le bou­lot du FAI, mais des forces de l’ordre.

De même que le bou­lot des socié­tés d’au­to­route est de faci­li­ter la cir­cu­la­tion des voi­tures, rapi­de­ment et en toute sécu­ri­té, et pas de véri­fier que ces voi­tures ne trans­portent rien d’illégal.

Acces­soi­re­ment, dl.free.fr est un ser­vice par­ti­cu­liè­re­ment facile d’u­ti­li­sa­tion, qu’un blai­reau quel­conque peut uti­li­ser pour dif­fu­ser ses films de vacances ou ses pho­tos de famille. Si ce ser­vice dis­pa­raît, ce blai­reau-là va être bien embê­té. Les pirates ? Boah, vous rigo­lez ? Si on ferme ce ser­vice, ils auront tou­jours la pos­si­bi­li­té de pas­ser par les logi­ciels de pair à pair, voire d’ins­tal­ler un ser­veur FTP sur leur propre machine et de filer l’IP aux copains. Ça demande des com­pé­tences tech­niques que mon brave blai­reau de tout à l’heure n’a pas, mais les pirates, eux, les ont.

Autre­ment dit, encore une fois, on veut péna­li­ser les hon­nêtes citoyens sous pré­texte de lut­ter contre la pira­te­rie, et pen­dant ce temps, les pirates se marrent.

PS : oui, je sais, les jeux de mots sur les titres… Pro­mis, si suite il y a, j’es­saie d’en trou­ver un sur La revanche des Sith. ^_^