Fils d’ivrognes !
|Alors voilà, nos ministres sont catégoriques : c’est pas bien que les jeunes boivent. À quel âge doit-on, pour devenir un bon Français, commencer à s’enfiler son demi de rouge à chaque repas ? Cette question, elle, n’est pas traitée, mais une chose est claire : il ne faut pas s’entraîner avant.
Il y a une chose qui me paraît évidente, et que je n’ai vue soulignée nulle part : l’alcool est une drogue psychotrope. C’est tout con, mais ça explique en bonne partie son succès.
On ne boit pas — ou rarement, ou hypocritement — par goût pour l’alcool. C’est pas mes voisins du nord-est qui diront le contraire, eux qui sont d’heureux buveurs d’eau. On boit par goût pour les effets de l’alcool. Que l’on apprécie une Guinness, un Beaumes de Venise, un planteur ou même un irish coffee, ça arrive, je suis pas mal placé pour en témoigner. Mais si c’est juste ça, un verre suffit, ce qui ne rentre pas dans le sens ici attribué au verbe “boire”.
Ceux qui boivent au point que des conséquences néfastes apparaissent ne cherchent qu’une chose : se démonter la tête. Débrancher le cerveau, si vous préférez. Ils pourraient tout aussi bien le faire à la cocaïne, aux champignons, ou au LSD, mais des raisons financières, légales et pratiques font que l’alcool est la substance la plus facile à se procurer — je laisse de côté la religion, dont les résultats sont très variables d’un individu à l’autre.
En traitant la consommation d’alcool — ou en prétendant la traiter, car je n’ai pas l’impression qu’une élévation à 18 ans de l’âge légal et une campagne de pub soient susceptibles d’y faire quelque chose –, on traite un symptôme. Imaginons que vous chopiez la rage : vous préférez qu’on vous colle un bavoir pour éviter que vous en foutiez partout, ou qu’on vous injecte une dose de sérum du bon docteur Pasteur ? Et bien ce qu’on se propose de faire en éloignant les jeunes de l’alcool, c’est exactement le bavoir.
La vraie question n’est pas : “comment empêcher les jeunes de se bourrer la gueule ?” La vraie question est : “pourquoi boivent-ils ?”
J’ai été jeune. Selon les critères qu’on applique, je le suis même peut-être encore. Et j’attends qu’on m’explique pourquoi, pendant les vacances, en rentrant dans mes montagnes au milieu de nulle part, je pouvais passer des semaines sans toucher un verre et pourquoi, si un apéro se trouvait sur mon chemin, un verre de Rasteau me suffisait, alors qu’en période de boulot en ville il m’était difficilement tolérable de passer une semaine sans une dose de cheval.
Pourquoi il m’est arrivé de boire de la vodka alors que personne n’a jamais réussi à me faire dire que j’aimais ça — pas même à 3 heures du matin après les abus évoqués.
J’ai bien quelques idées sur la question, mais j’aimerais beaucoup plus que nos dirigeants acceptent, ne serait-ce qu’une fois dans leur vie, de se poser une vraie question et d’essayer honnêtement d’y trouver eux-mêmes des réponses. Roselyne, si jamais par hasard tu passes par là, n’hésite pas à laisser des commentaires.