Ainsi va la vie
|de Thierry Gloris, Frédéric Charve et Joelle Comtois, 2010, ****
“Je dessine quoi ?
— Euh, j’en sais rien, je connais pas l’histoire. Les trois vendeurs disent que c’est génial, alors je l’ai acheté…
— C’est l’histoire d’un groupe de trentenaires dépressifs, un peu geeks…
— Mmmmh…
— (sourire) Ah merde, là, vous êtes en train de vous dire que ça va pas vous plaire !
— (rire) Euh non, je me disais juste que ça avait l’air de parler de moi.”
Voilà comment je me suis retrouvé en possession de ce volume, dont le dessinateur dédicaçait dans la librairie que Satan a placée entre mon arrêt de métro et mon appartement pour me faire gaspiller temps et argent.
Donc, Ainsi va la vie. François, trentenaire philosophe à la calvitie naissante, attend ses amis à la terrasse d’un bistrot, façon Place des grands hommes. Stéph, dragueur patenté devenu célibataire endurci, Laurent, étudiant effacé devenu banquier, Djed, catho arriviste devenu loque humaine aux crochets du premier, Sophie, catho romantique devenue prof paumée et femme de banquier, et Nat, étudiante fauchée en DEUG de psycho devenue étudiante fauchée en doctorat de psycho. Allez-et-retours entre le temps des études et le temps présent, soirées club Dorothée / parties de Tekken / fantasmes contre ANPE / usure du temps / maîtresses, les auteurs brossent délicatement la vie de six néo-trentenaires plus ou moins paumés, tous un peu abîmés par les aléas de la vie et toujours accrochés à leur zone urbaine.
Difficile à raconter plus avant, mais c’est fin, assez subtil (on gagnera à le relire), bien porté par un dessin sobre et expressif et une mise en couleurs classique et discrète, amusant, cynique aussi parfois, un peu triste par moments, un peu comme la vie, quoi. Fortement recommandé.
Ah, et Frédéric Charve lit les Numériques, signe indéniable de qualité, et n’ose pas y faire allusion dans la dédicace même quand il vient de passer une heure à disserter sur Photoshop en gribouillant une page de garde. ^^