La gauche pour les nuls
|Aujourd’hui, Nathalie Kosciusko-Morizet a demandé au journal pourquoi on réclamait toujours des comptes à l’UMP sur ses appels aux électeurs du FN, et jamais au PS sur ses appels à ceux du FdG.
Je comprends tout à fait cette question : pour Nathalie, mon long blabla du lendemain du premier tour est un peu compliqué, y’a plein de mots, tout ça.
Alors, voilà la version condensée.
Voilà, Nathalie. Il y a plein de partis politiques, ça va de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par le centre. En vrai, le schéma devrait avoir au moins deux dimensions, parce que l’écologie et le nationalisme n’entrent pas sur l’axe gauche-droite, mais cette approximation devrait t’aider à comprendre.
Les plus saturés sont les plus fachos : en rouge, les Lutte ouvrière, Ligue communiste révolutionnaire, Parti des travailleurs et consorts ; en bleu, les Front national, Mouvement national républicain, Parti de la France. À quoi on les reconnaît ? C’est simple : on a du mal à s’allier avec eux, parce qu’eux-mêmes refusent toute alliance. Même entre fachos du même bord, c’est très compliqué : coller un LO et un LCR à la même table, ça finit généralement en pugilat, et tout le monde se souvient des gentillesses échangées entre Le Pen et Mégret.
Ensuite, en rose foncé, on a les communistes ; en rose pâle, les socialistes ; en orange, les centristes ; en bleu pâle, les gaullistes et autres capitalistes paternalistes ; en bleu moyen, les libéraux et autres néo-conservateurs.
Maintenant, suis bien, Nathalie : tous ces mouvements arrivent à dialoguer. Tous peuvent s’allier avec d’autres en fonction des besoins. Du moins, tous acceptent de composer avec leurs voisins immédiats : l’alliance d’un communiste et d’un centriste, ça reste très rare, de même que celle d’un socialiste avec un gaulliste (même si ça c’est vu : j’ai voté Chirac au second tour en 2002).
Pour que tu comprennes mieux, j’ai mis des jolies petites flèches : elles indiquent les alliances naturelles qui peuvent exister entre deux courants. D’autres, celles qui sont barrées, indiquent des alliances en principe inexistantes.
Tu vois un truc intéressant, Nathalie ? Regarde bien le schéma…
Je t’aide : il y a deux zones où on trouve le même nom de parti. À droite, les deux marquées “UMP”, Union pour un mouvement populaire.
C’est que l’UMP, c’est un très grand parti, tu sais. En fait, c’est plusieurs partis qui ont fusionné en 2002, uniquement pour que Jacques Chirac ne risque pas de devoir composer avec une Assemblée nationale de gauche — d’ailleurs, ça s’appelait “Union pour une majorité présidentielle”, à l’époque. On avait mis tous les partis de droite, et même des bouts du centre, dans la même boîte, pour qu’il n’y ait qu’un candidat de droite dans chaque circonscription, pendant que les candidats de gauche se tireraient dans les pattes. Tu dois le savoir, d’ailleurs : à l’époque, tu faisais partie des membres de l’UDF absorbés par l’UMP, et ça t’a permis d’être élue comme députée suppléante.
Le résultat, regarde bien, Nathalie : dans ton parti, y’a Novelli, Boutin et Borloo. Tu as l’impression que vous êtes tous pareils ?
Non, bien sûr. Parce que toi, tu es pote avec Borloo, dans le bleu clair, pas très loin de l’orange, alors que Novelli est dans le bleu plus franc, pas très loin du bleu foncé.
Et bien, Nathalie, fourre-toi dans le crâne qu’à gauche, c’est pareil. On te réclame pas de compte sur ton alliance avec Boutin, alors que vous vous ressemblez autant qu’une vache et une brebis : entre gaullistes et chrétiens-démocrates, c’est ordinaire.
Alors pourquoi donc demanderait-on des comptes à des socialistes qui s’allient aux communistes ? Comprends bien : s’il y avait une UMP de gauche, Hollande serait notre Borloo et Mélenchon notre Novelli. Ils se foutraient sur la gueule pareil, seraient toujours aussi éloignés, mais seraient sous la même étiquette et tu trouverais ça tout naturel qu’ils s’allient au fil des circonstances.
En revanche, la dernière fois qu’un candidat socialiste a demandé un coup de main à LO, comme vous demandez au FN de le faire avec toi, je crois que j’étais pas né et toi non plus.
Et si ça arrivait, je serais le premier à les regarder de travers, je t’assure…