Le bleu est une couleur chaude
|de Julie Maroh, 2010, ****
C’est la dernière volonté de Clémentine : qu’Emma puisse récupérer, chez ses parents, son journal. Celui dans lequel elle raconte sa vie, ses espoirs, ses convictions, mais aussi la façon dont celles-ci ont été mises à l’épreuve. Et leur rencontre, aussi, ce flash sur sa chevelure bleue et tout ce qui suivit.
Le bleu est une couleur chaude ne revendique pas. C’est peut-être sa grande force : Clém n’est pas lesbienne convaincue, ne s’assume pas pleinement, et ne juge pas ceux qui lui reprochent son amour bleuté. Même quand il s’agit de ses amis, qui réagissent à la première rumeur sans même attendre de confirmation, ou de ses parents.
C’est juste une histoire d’amour, avec ses hauts, ses bas, ses doutes et ses certitudes tardives. Ce n’est pas “lesbos vs the world”, c’est un couple qui vit sa vie, entre amitié, plan cul et amour, entre petites lâchetés et grands courages. Une histoire normale, quoi, une histoire où toute personne douée de sentiments peut se reconnaître, au delà de son sexe, de ses goûts sexuels ou de son idéologie.
Le bleu est une couleur chaude est aussi une bande bien dessinée, en pastels délicats, en encrage légers où l’on devine presque la trace du crayonné, piquant intelligemment des choses à droite à gauche — cadrages aérés franco-belges, cases coupées à la Derib, yeux expressifs des mangas, arrivée et départ de la couleur selon humeurs et pensées de la narratrice…
Le truc marrant, c’est que tout le monde trouve ça fort et émouvant, mais pas au même endroit. La collègue avec qui j’en ai parlé a dit avoir été bouleversée par la fin, alors qu’au contraire c’est plutôt la longue valse hésitation du milieu qui m’a touché. Finalement, c’est peut-être la grande force de ce truc : c’est assez complet pour parler à des gens très différents.
L’autre truc marrant, c’est que Julie Maroh elle-même affirme le militantisme de l’album, alors que c’est le truc le moins connement revendicatif que j’aie lu sur le sujet depuis longtemps. Le militantisme intelligent, finalement, c’est pas du militantisme : c’est juste montrer les ressemblances — j’ai bien dit “montrer”, pas “affirmer”.