Échec

Il paraît, d’a­près le titre de France 3 à l’ins­tant, que l’o­pé­ra­tion com­man­do visant à libé­rer un otage fran­çais en Soma­lie est un échec.

Je vou­drais juste, quitte à pas­ser pour un ignoble cynique, reve­nir sur un détail.

Le but d’une telle opé­ra­tion n’est pas seule­ment de libé­rer un otage. C’est aus­si, voire sur­tout, de dému­nir un groupe ter­ro­riste d’un moyen de pres­sion, d’un levier dans les négo­cia­tions, bref, d’un atout qu’il peut jouer n’im­porte quand.

On le voit d’ailleurs avec l’empressement qu’ont mis ceux-ci, lorsque la mort de l’o­tage a été annon­cée, à dire “non non, on l’a tou­jours”. Leur but à eux est de gar­der cet atout dans leur manche ou, s’ils l’ont per­du, de faire croire qu’ils l’ont tou­jours : un otage n’est utile qu’en vie et sous contrôle.

D’ailleurs, dans tout bon film d’ac­tion, il y a ce moment où le géné­ral dit au colo­nel : “vous me le rame­nez, et si vous pou­vez pas, vous vous assu­rez qu’ils ne le gardent pas vivant”. Je sais pas si ça a été le genre d’ordre uti­li­sé en l’es­pèce (ni même si ce genre d’ordre existe vrai­ment), mais il est clair qu’une opé­ra­tion de ce genre vise aus­si à reti­rer un avan­tage à un ennemi.

C’est d’au­tant plus impor­tant qu’en l’oc­cur­rence, l’o­tage tra­vaillait pour la Direc­tion géné­rale de la sécu­ri­té exté­rieure. C’est pas un simple civil, mais un agent, ce qui donne une por­tée d’au­tant plus impor­tante au fait de l’a­voir comme otage : au-delà des consi­dé­ra­tions tac­tiques, sans doute peu impor­tantes après trois ans, en contrô­lant un agent, on contrôle sym­bo­li­que­ment un élé­ment du service.

Dans ces condi­tions, une opé­ra­tion comme celle ten­tée par les ser­vices fran­çais est un échec si l’o­tage reste au pou­voir de ses ravis­seurs. S’il est libé­ré, c’est évi­dem­ment un suc­cès ; s’il est abat­tu, et bien… C’est la zone grise, le truc entre-deux où per­sonne ne peut pré­tendre avoir gagné.

Les assaillants ont per­du deux hommes et une bataille, les ravis­seurs ont per­du leur moyen de pres­sion (et peut-être des hommes eux aus­si), et nul n’a gagné le droit de par­ler de “réus­site”. Avant de qua­li­fier l’o­pé­ra­tion d’é­chec, il faut donc d’a­bord s’as­su­rer que les ravis­seurs ont tou­jours un otage uti­li­sable — soit celui qu’ils avaient, soit le sol­dat por­té disparu.