Ter repetitas
|Les esprits observateurs l’auront noté : le week-end dernier, il y avait les 10 km de Boulogne, compétition de course à pieds pour amateurs. Vous vous souvenez peut-être aussi que j’ai parmi mes relations professionnelles une attachée de presse bossant notamment pour Garmin, qui fait des montres GPS pour sportifs, et qu’elle aime bien organiser des défis idiots genre “courir sous la pluie” et que l’an passé, elle avait trouvé le moyen de me piéger pour me faire participer à cette épreuve, avant de me faire re-faire une séance d’aqua-running à l’automne.
Vous vous en doutez : on a remis ça. Avec encore plus de confrères et de compagnons de souffrance, parce que plus on est de fous, plus on a de courbatures.
Le résultat est là, et appelle plusieurs commentaires.
D’abord, je suis parti beaucoup plus lentement que l’an passé. En fait, le type qui donnait le rythme devait viser 6 minutes au kilomètre (soit une heure aux dix bornes), objectif que s’étaient fixé les membres du groupe — d’autres étaient partis plus vite, mais le gros des troupes était là. Ayant foiré son estimation, il nous a menés à 6’24 à la première borne, soit assez précisément… une minute plus lentement que ce que j’avais fait l’an passé ! Au passage, j’avais bien essayé d’énerver tout le monde en notant qu’on était en retard tous les cent mètres depuis le départ, mais comme le lièvre parlait beaucoup plus et beaucoup plus fort, personne n’avait vraiment fait gaffe.
Le deuxième kilomètre a été mieux calé, avec un 5’53, rythme tenu assez régulièrement sur les kilomètres suivants. Pour ma part, si les deux premiers s’étaient bien passés, le troisième kilomètre m’a vu commencer à suer comme un goret dans un four et mes mollets se sont mis à manifester leur réprobation. Ça correspond, du reste, aux deux fois où j’ai été courir cet hiver, où j’ai toujours calé après trois kilomètres. À partir du km 4, j’avais bien mal partout et j’ai décidé en mon for intérieur de profiter du ravitaillement de la mi-course pour faire une pause et finir tranquillement.
Donc, au ravito, pendant que les autres passent au loin pour continuer sur leur rythme, je plonge vers la table, chope un verre et trois pruneaux et continue en marchant.
Surprise : au bout de deux cents mètres, y’a un membre du groupe qui revient vers moi et commence à essayer de me pousser. S’il avait lu mon billet de l’année dernière, il aurait su qu’il ne fallait pas et qu’il allait juste arriver à m’énerver, comme tous les profs d’EPS qui l’avaient précédé ; mais il ne l’avait manifestement pas lu. Il a donc tenu à me faire chier jusqu’à l’arrivée en m’engueulant pour que je me remette à courir à chaque fois que je passais au pas.
Or, personnellement, j’avais mon plan de route assez clairement en tête : reprendre mon souffle, courir jusqu’au moment où je commence à me sentir mal, reprendre mon souffle. Ce que j’avais fait l’an passé dès le deuxième kilomètre, mais cette fois à partir du sixième et en essayant d’allonger les périodes de course et de raccourcir les périodes de marche.
Le bilan est assez régulier : j’ai alterné assez mécaniquement 200 m de marche et 800 m de course, me remettant 1’45 au pas à chaque panneau kilométrique. L’exception est le pic avancé entre 7,8 et 8 km, correspondant à une brutale montée de tétanie dans les jambes associée à une grosse nausée ; mais une fois tout rentré dans l’ordre, j’ai pu courir un kilomètre complet pour retomber sur la stratégie initiale.
Il est notable que, comme d’habitude, mon rythme de course sur la seconde moitié du parcours est plus élevé qu’au début : j’ai couru entre 10,5 et 11,3 km/h, alors que les cinq premiers kilomètres avaient été avalés à 10 km/h pile (en fait 9,6 km/h sur le premier et 10,1 km/h sur les quatre suivants). Ça confirme que mon “rythme naturel”, celui que j’ai tendance à adopter tranquillement sans forcer, est en fait légèrement plus élevé que mon rythme durable (d’où les interruptions au pas) ; en courant à 10 km/h, j’ai le sentiment de me freiner légèrement en permanence, et j’ai envie de tirer un peu plus et notamment de mobiliser plus les hanches pour allonger la foulée. Je n’arrive pas à faire de grandes foulées lentes, ce qui me permettrait sans doute de moins fatiguer — en tout cas, c’est ce que je fais quand je marche et ça me réussit plutôt bien.
Au total, j’ai fait les 10 km en 1 h 1 min et 34 s, soit une amélioration de plus de cinq minutes par rapport à l’an passé, et j’ai surtout énormément gagné en régularité, marchant moins et courant à la fois plus régulièrement et plus longtemps à chaque tronçon. J’ai aussi moins souffert ; bien sûr, j’avais lundi et mardi la démarche de John Wayne jouant C‑3PO dans The walking dead, mais j’avais moins de courbatures qu’en 2012 et elles étaient particulièrement bien réparties : pieds, mollets, quadriceps et abdominaux se plaignaient tous pareil, ce qui signifie que globalement j’ai bien réussi à répartir l’effort sur l’ensemble des muscles moteurs.
J’ai donc atteint mes objectifs (je voulais descendre sous les 1 h 04 et surtout faire beaucoup plus régulier), et j’ai réussi à appliquer la stratégie prévue (courir le plus longtemps possible avec les autres, puis alterner course et marche avec une “période” de un kilomètre). Et comme j’ai une tête en bois, j’ai fait exactement ça malgré la présence d’un emmerdeur qui voulait me faire courir plus contre ma volonté.
Ça me confirme aussi, au passage, que n’importe quel être humain raisonnablement en bonne santé peut viser une heure avec un minimum d’entraînement — que je n’ai pas vraiment, malgré les bonnes résolutions hivernales : je n’avais fait que deux sorties, pour un total de sept kilomètres, depuis décembre.