Prénoms télé
|Alors voilà, tout le monde en parle : des gens ont appelé leur fille Khaleesi.
Bon, déjà, on s’en fout un peu. Y’a plein de gens qui ont donné des noms de personnages de fiction à leurs enfants sans qu’on en fasse tout un plat. Au pire, tout ce que j’aurais à dire, c’est que je trouve Daenerys plus joli que Khaleesi.
Mais surtout, je pense que l’ensemble de la presse a épouvantablement mal traité cette information.
D’abord, il y a une erreur dans la dépêche AFP, que la pompe s’est occupée de répandre sur la planète : “khaleesi” serait équivalent de “reine”. C’est faux ou, tout au moins, approximatif. Le khal, dans Le trône de fer, est un chef de guerre, qui a fait la preuve de sa valeur sur le terrain. Rien à voir avec un roi, donc, qui n’est généralement que l’héritier plus ou moins bâtard d’une lignée héréditaire (d’ailleurs, les rois, c’est pas forcément les personnages les plus sympas de Game of thrones¹). Le khal, c’est plutôt un colonel issu du rang… mais en fait, ça ressemble franchement plus à un chef de clan. Quant à la khaleesi, c’est la femme du khal, rien d’autre. Le rôle semble être très variable selon la volonté du khal, la khaleesi pouvant être quasiment son égale ou rien de plus qu’une femme du clan parmi d’autres, servant au passage de défouloir aux bras droit de son homme.
Ensuite, et plus gênant, personne ne s’est demandé s’il était possible de faire quelque chose de cette information. “Ouah, trop lol, je publie” semble être le niveau le plus avancé de réaction de mes cons frères.
On touche évidemment le fond avec le JDG, qui à force de raccourcir a fini par écrire que “La fillette, née début juin, porte donc le même nom de Daenerys Targaryen…”, alors que si vous avez bien compris Khaleesi n’est pas un nom, mais un titre. Personne dirait d’un gamin que ses parents appelleraient Général qu’il a le même nom que Charles de Gaulle, si ?
Mais même les autres ont merdé sur ce coup.
Pas un pour faire une petite mise en perspective, genre rappeler que jusqu’aux années 90 il n’était pas possible en France de baptiser un enfant d’un nom inventé. Pas un pour rappeler que Le maître des montagnes, quinzième album de Thorgal, commence même par un avant-propos des auteurs expliquant en substance qu’ils ne pouvaient pas donner d’étymologie pour les noms de Thorgal, Jolan ou Aaricia, qu’ils avaient inventés de toutes pièces, et qu’ils étaient sincèrement désolés pour les parents à qui l’administration demandait de justifier l’origine des prénoms.
Pas un pour s’intéresser à l’évolution des prénoms en fonction des modes du moment, pour rappeler que le terriblement vieillot Hermione est revenu en force dans les années 2000, après la sortie des films de la série Harry Potter², ou pour évoquer la vogue de prénoms issus de séries américaines (Dana, inexistant avant X‑files : aux frontières du réel, Neela, inconnu jusqu’à l’arrivée du personnage dans Urgences, etc.).
Pas un non plus, bien sûr, pour relever quelques curiosités, tragiques comme le pic de Steevy en 2001 ou plus amusantes comme l’effondrement du prénom Hélène, que quasiment plus personne ne donne depuis 1994 — et ça doit pas être un hasard si ça colle avec la diffusion de l’affligeant Hélène et les garçons.
¹ Pour les distraits et ceux à qui la Hadopi fait peur, rappelons que les romans Le trône de fer ont été adaptés dans la série télévisée Game of thrones. J’ai pas lu ceux-là, je regarde celle-ci avec acharnement.
² On notera au passage que les bouquins n’ont pas suscité le même engouement, peut-être parce que le personnage est plus sympa dans les films, peut-être parce que beaucoup moins de gens lisaient les livres avant que la Warner s’en mêle…