République de fermeté
|Tout à l’heure, un certain François Hollande, président de la République française, a sorti cette phrase appelée à rester dans les annales :
La république, c’est la fermeté dans l’application de la Loi.
Je pense utile de me livrer à une petite critique de cette sortie.
D’abord, sur le plan éthymologique, c’est une grosse connerie : la république, c’est le gouvernement par le peuple, et c’est donc au peuple de décider s’il souhaite appliquer la Loi avec fermeté ou non.
Ensuite, sur le plan moral, c’est une absolue monstruosité.
Le but de la République est de protéger l’intérêt commun en évitant l’accaparement du pouvoir par des particuliers. Pour cela, elle s’est toujours fondée sur l’éradication de l’arbitraire, par la création d’une Loi s’appliquant à tous les citoyens et d’un système judiciaire s’assurant que celui qui juge n’est pas seul ― il y a donc des cours d’appel lorsque les parties estiment que le juge a rendu un avis discutable, et les affaires les plus graves sont jugées collectivement.
Il y a, surtout, un principe fondamental : l’adaptation de la Loi à la réalité. Le juge est libre de prendre en compte une situation que le législateur n’a pas prévue, toujours dans le but de protéger la société si une application trop strice de la Loi lui devenait nuisible. C’est d’ailleurs ainsi que se bâtit la jurisprudence, qui complète, précise et adapte la Loi.
La fermeté dans l’application de la Loi, ça n’est pas la République. C’est même assez précisément son contraire : c’est un nouvel arbitraire où le législateur devient autorité ― et quand, comme actuellement, le législatif est profondément pénétré par l’exécutif, la fermeté dans l’application de la Loi, c’est une sorte de “dictature légaliste”. Il est d’ailleurs remarquable que beaucoup de régimes autoritaires ne disent pas autre chose : “oui, je détruits une partie de mon peuple, mais je le fais pour appliquer la Loi”.
Quoi que l’on pense des politiques migratoires et des éventuelles mesures d’éloignement qui les accompagnent, la Loi n’a pas, en république, à être appliquée fermement ; elle doit être appliquée justement. Il arrive que la justice soit contraire à la Loi, qui ne peut prévoir chaque cas particulier et peut avoir été votée dans des circonstances différentes. Qu’un président de la République puisse oublier cela au point d’affirmer que la fermeté légaliste soit essence de la république, c’est tellement grave que je n’ai même pas envie de signaler son cas à l’Académie Busiris ― qui serait pourtant sans doute fort intéressée.