Ce que Planes aurait dû être
Tout à l’heure, en rentrant chez moi, je repensais à ma déception d’hier. Et je me disais que la réalisation était plutôt bonne, que les dialogues n’étaient pas forcément mauvais, etc. ; bref, que le problème de Planes tenait vraiment à sa trame scénaristique et pas au reste. En fait, même le personnage principal n’est pas mal trouvé : l’Air Tractor est un avion plutôt moche mais assez mignon, pas très connu, et l’épandage n’est clairement pas l’activité aérienne la plus sexy, ce qui laisse effectivement de la place aux rêves du personnage.
L’erreur fondamentale et irrattrapable, à mon avis, est d’avoir voulu placer Planes dans l’univers de la course. D’abord parce que malgré toute sa bonne volonté, un Air Tractor (250 km/h en pointe) qui tient tête aisément et sans entraînement digne de ce nom à des De Havilland Comet (400 km/h), Gee Bee R1, Rutan ERacer (plus de 450 km/h) et même un avion de classe Sport (qui tourne à 600 km/h à Reno), c’est juste risible ; ensuite parce que ça en fait une pâle resucée de Cars, qui se déroulait entre autres dans l’univers de la Nascar.
En réfléchissant un peu, je me disais donc que le début n’était pas forcément mauvais, mais que Dusty n’aurait jamais dû pouvoir se qualifier — même si sur un gymkhana, il aurait pu se faire remarquer par quelques acrobaties en radada, il n’y a aucun moyen qu’il arrive à gagner des courses. Accessoirement, qu’il se casse le nez sur cet écueil aurait pu être un ressort scénaristique intéressant, genre les rêves, c’est pas toujours la réalité.
En revanche, il y a un truc pour lequel les Air Tractor n’ont pas forcément été pensés au départ, mais qu’il ont appris à faire. Un truc aussi prestigieux et largement plus utile que les rallyes transcontinentaux et les courses au pylône de Red Bull. Ça s’appelle, attention les yeux : le bombardement d’eau.
Le voilà, pour moi, le scénario idéal : Dusty se ramasse comme une merde comme avion de course, mais après un temps de déprimant retour à la morne réalité de l’épandage agricole, il croise un lot de bombardiers d’eau. “Ça, je peux le faire, j’ai déjà un réservoir”, il essaie de se faire embaucher, se fait snober par les Bombardier 415 (“mon grand-père a fait la guerre et a été le premier pompier, mon père a fait ça toute sa vie et je suis encore meilleur que lui”, tout ça) ; mais l’Air Tractor finit par s’incruster et montrer que pour aller dans des coins très tordus, les balourds canadiens sont pas assez maniables, il a trouvé sa place et son identité et emballez, c’est pesé.
Au passage, puisque les auteurs tiennent à caser une romance quelque part, il y a moyen de placer une histoire un peu plus moderne que la lourdingue approche entre le Gee Bee mexicain et l’espèce de Cirrus Jet à hélice française, avec un clin d’œil graphique au passage : c’est l’histoire secondaire d’un Tracker amoureux d’une Dash‑8, mais leur amour est impossible puisqu’elle est enceinte d’un Bombardier et qu’il est trop vieux pour elle. Comme il faut que ça finisse bien, elle plaque le Bombardier et finit avec le Tracker, qui élèvera avec elle son bébé Beriev.
Blague à part, je pense que ça serait également un film bien plus intéressant parce que l’on retrouverait une évolution du personnage, ce qu’avait McQueen dans Cars (jeune con égocentrique qui devient un type bien au contact de la vraie vie). Au lieu d’un jeunot naïf qui réalise ses rêves avec une facilité déconcertante, on pourrait passer d’un jeunot naïf qui rêve à un adulte responsable qui a trouvé sa place dans la société. Au lieu de “suis tes rêves même s’ils sont irréalistes” (ça marche pas dans la vie, ou alors Alizée est chanteuse), “trouve quelque chose qui te corresponde et fais-le bien” me paraît aussi un message plus digne du “arrête de te la péter et respecte les gens qui vivent pas comme toi” qui résumait Cars.
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Franck
Si quelqu'un fait un film qui raconte l'histoire d'un photographe qui fait du trafic de chocolat en Bellanca Super Viking, ce sera moi.