Ayrton, Jules et María
Vous le savez, peu de choses m’énervent autant que les imprécisions des gens censés nous informer.
Ce matin, j’ai beaucoup entendu que Jules Bianchi était mort. J’ai aussi beaucoup entendu qu’il était le premier pilote de Formule 1 mort d’un accident de course depuis Ayrton Senna, ce qui n’est pas totalement faux même si cela oublie les pilotes morts dans des courses historiques (Glatz, mort en 2000 dans une Arrows FA17 de 1996, et Welsh, mort en 2014 dans une Lotus 18 de 1960).
En revanche, quand j’entends ce matin :
Jules Bianchi est le premier pilote mort des suites d’un accident en Formule 1 depuis Ayrton Senna.
Ben là, ça m’agace. Ça m’agace d’abord parce que c’est faux : en 2013, María de Villota est morte des conséquences d’un accident survenu dans une Formule 1 l’année précédente. Certes, entre temps, elle était sortie de l’hôpital, s’était mariée et avait écrit un livre, mais la presse avait à l’époque largement relayé le fait que l’autopsie avait lié sa mort aux séquelles de l’accident.
Ça m’agace ensuite parce que cela correspond bien trop à une tendance déjà présente en sport auto : les morts hors piste ne comptent pas. Déjà, les spectateurs tués en course sont rapidement oubliés (sauf au Dakar, où curieusement ils sont les seuls à intéresser la presse), mais les pilotes qui meurent en essais privés sont également largement passés sous silence lorsqu’ils ne sont pas Patrick Depailler ― un exemple au hasard : à la mort de Roland Ratzenberger, beaucoup ont dit que c’était le premier mort en F1 depuis Gilles Villeneuve et Riccardo Paletti, ce que la famille d’Elio De Angelis a dû beaucoup apprécier.
On est bien d’accord : De Villota n’est pas morte dans l’accident, non plus que Bianchi (neuf mois plus tard), Peterson (embolie graisseuse le lendemain) et bien d’autres. Mais elle est bien morte des suites d’un accident, ce qui est la tournure employée par le journaliste de BFM TV ce matin. Le diable est dans les détails, et il est bon d’y faire attention.