Humains en batterie
|L214 (une association loi 1908¹ de défense des animaux) a publié l’image suivante :
On nous dit qu’un animal, c’est fait pour vivre en extérieur, en contact avec la nature. Qu’un lapin doit pouvoir courir dans l’herbe et bouffer ses crottes tranquille, qu’une poule doit pouvoir écarter les ailes et (mal) voler jusqu’à une vraie branche ou grignoter un vrai caillou et un vrai ver de terre, qu’un cochon doit pouvoir s’ébattre en extérieur et fouir joyeusement à la recherche de vers blancs, de racines et de truffes.
C’est pas faux.
J’ai un scoop : l’humain est un animal. Lâchez des petits d’homme dans la nature, vous les verrez généralement s’ébattre gaiement, grimper aux arbres, courir pour faire s’envoler les poules, essayer de choper les lapins, et essayer de bouffer des racines pour voir pourquoi les cochons en mangent (au passage, un humain au système digestif normalement foutu peut manger à peu près tout ce que mange un cochon, et un cochon mange à peu près n’importe quoi).
Si vous êtes citadin, au bout de quelques jours à la cambrousse, vous aurez l’agréable surprise de ne voir vos gosses que lorsqu’ils auront faim et de n’en entendre qu’un écho lointain le reste du temps ; cela vous détendra de votre vie urbaine où vous les avez sur le dos dès qu’ils ne sont pas à l’école, où vous ne pouvez pas vous poser deux minutes sans qu’il y en ait un qui arrive en chouinant et où vous finissez par les haïr. (En revanche, évitez de sortir en même temps qu’eux : ça pourrait vous faire un choc la première fois où vous tomberez sur votre fragile progéniture en train de jouer à qui saute le plus bas depuis le haut d’une pente marneuse à 100 %.)
Entasser des êtres humains dans des espaces trop petits, sans contact avec de la vraie nature ni possibilité de s’ébattre librement dans un environnement ouvert, c’est moins spectaculaire que d’élever des poules sans accès extérieur ou avec une vague cour de 3 m² ; c’est pourtant également nocif pour leur bien-être. Je suis convaincu que le côté agressif et saoulé des Parisiens est directement lié à leur entassement dans un environnement trop étroit.
D’après l’Insee, “60 % de la population, soit 37,8 millions d’habitants, réside au sein même des pôles des grandes aires urbaines. Ces grands pôles constituent le cœur de l’urbain, avec plus de 800 habitants par km².” Si on ajoute les aires urbaines et non seulement les pôles autour desquels elles gravitent, on grimpe à 80 % de la population, avec une densité moyenne de 239 hab/km². Et ça, c’est en 2010, donc c’est une estimation basse.
Il me paraît donc opportun, dans la liste des espèces massivement maltraitées par l’homme, d’inclure la nôtre.
¹ La loi de 1908 est l’équivalent de la loi de 1905 pour les associations, mais dans les territoires qui appartenaient à l’époque à l’Allemagne. C’est un exemple de la “République une et indivisible” à la française.