Bobo les mollets
|C’est l’histoire d’un mec qui n’a quasiment pas couru depuis six mois. Il a pris deux kilos en deux semaines, la faute à des gens qui organisent des soirées où il y a à boire et à manger — et la bière et les punchs, non seulement c’est plein de calories, mais ça donne envie de grignoter. Alors, il se dit qu’il va faire un petit effort et se faire cinq kilomètres tranquille, histoire de se remettre dans le droit chemin.
Alors, ce type commence à courir tranquillement. Son téléphone a du mal à trouver le GPS, donc il redémarre son téléphone en continuant à courir. Quand son téléphone accroche enfin une position propre, il lance le suivi, mais il a déjà fait un kilomètre. Le tour qu’il prévoit fait trois kilomètres donc, quand un feu rouge l’arrête, il traverse, prend la rue parallèle et revient sur ses pas cinq cents mètres. Puis il remonte le long du canal, prend la perpendiculaire à gauche au bout d’un kilomètre, arrive le long de la nationale 1, tourne à gauche pour rentrer à Paris, franchit la barre des cinq kilomètres, continue tranquillement, passe le périphérique, continue deux cents mètres… et arrive à un panneau d’entrée dans Pantin.
Là, il réalise qu’il a pas pris une perpendiculaire à gauche, mais un biseau. Que la grande route qu’il a longée n’était pas la N1, mais le périphérique. Que la grande route qu’il a traversée n’était pas le périphérique, mais la N2. Et qu’en pensant tranquillement rentrer chez lui en un peu plus de cinq kilomètres, il est tranquillement arrivé à Pantin en un peu plus de cinq kilomètres.
Il réalise aussi qu’il n’a pas pris de pull et qu’il fait 8 °C. Donc que s’il arrête de courir et rentre en marchant, il va arriver tout bleu avec des dents qui claquent et passer la semaine à tousser en grelottant. Donc il continue à courir, malgré l’ampoule qui commence à lui dire qu’elle va bientôt s’allumer et les mollets qui font comme s’ils allaient s’enflammer sous peu.
Arrivé à cent mètres de chez lui, il a fait plus de dix bornes, mais avec le délai de mise en route le téléphone a enregistré que 9,6 km. Donc, il fait un dernier petit détour (en restant dans des rues qu’il connaît, quand même), histoire d’immortaliser formellement le quatrième 10 km de son histoire, le premier qui soit totalement imprévu, absolument accidentel et réalisé en l’absence parfaite d’entraînement — et le premier qui fait plus de 11 km en vrai.
Bilan : 1:02:35 aux 10 km, bobo les mollets, bobo l’ampoule.
Bref, c’est l’histoire d’un mec qui voulait juste se dérouiller les jambes, qui n’avait pas prévu de se faire du bien à l’ego, mais comme il était trop con pour regarder les panneaux il s’est retrouvé contraint de le faire. On va faire comme si c’était pas moi.