Moteur
Qu’est-ce qu’un moteur ?
La réponse est simple : un moteur est un “appareil servant à transformer une énergie quelconque en énergie mécanique” (TLF, la définition de l’Académie étant très proche). Larousse est un peu plus précis : “organe transformant en énergie mécanique une énergie de nature différente“¹, mais un point commun essentiel demeure : un moteur est un machin qui fabrique de l’énergie mécanique.
Ça n’est manifestement pas clair pour tout le monde : ces temps-ci, je vois fleurir y compris dans la presse technique une quantité d’approximations sur le sujet. Pour certains, un moteur serait apparemment “un truc dans lequel je mets moi-même une énergie chimique et qui fait avancer une voiture”.
Je m’agaçais déjà contre les gens qui qualifiaient de “motorisation hybride” les systèmes où le moteur thermique n’était pas relié aux roues (Chevrolet Volt, mais aussi vieilles locos des années 60) : ce sont selon moi des véhicules électriques, qui embarquent leur propre groupe électrogène et l’utilisent en fonction des besoins. Je tiens à cette distinction parce que les vraies motorisations hybrides, celles qui emploient un moteur thermique et un moteur électrique pour fournir de l’énergie mécanique à la voiture, comme sur la Toyota Prius par exemple, sont théoriquement moins efficaces : elles incluent un système mécanique supplémentaire pour réunir les deux éléments moteurs (un train épicycloïdal pour la Prius), puis les renvoyer vers les roues, et le moteur thermique doit avoir des caractéristiques (couple, plage d’utilisation…) lui permettant de déplacer le véhicule, au lieu d’être optimisé uniquement sur la question du rendement énergétique comme dans un groupe électrogène. Néanmoins, j’ai fini à la longue par baisser les bras et me résigner à entendre “hybride parallèle” pour les motorisations hybrides et “hybride série” pour les motorisations électriques alimentées par un groupe embarqué.
Mais quand je lis une énormité comme celle-ci :
Cette pile à combustible entraîne les roues arrière et alimente deux moteurs électriques positionnés sur l’essieu avant.
Là, vraiment, je ne peux pas. On n’est même plus dans l’idée qu’il y a un moteur dans le groupe électrogène, et que donc, vaguement, ça fait partie de la motorisation. La pile à combustible prend une énergie chimique (l’argument écologique fait le plus souvent choisir l’hydrogène, mais vu les difficultés que posent le transport et le stockage de dihydrogène, on pourrait voir des piles à méthanol avant de généraliser celles à hydrogène) et la transforme en énergie électrique. La pile à combustible entraîne les roues arrière ? J’aimerais bien savoir comment, vu qu’elle ne produit pas la moindre énergie mécanique.
Les véhicules à pile à combustible ont tous un point commun : leur motorisation est totalement électrique.
C’est important parce que cela signifie qu’ils peuvent profiter de toutes les avancées à venir en matière de production et de stockage d’électricité, sans aucun inconvénient. Si, demain, on crée des centrales énergétiques parfaitement propres, il suffira de laisser ces véhicules branchés régulièrement, d’arrêter de mettre de l’hydrogène dans le réservoir et de les faire tourner de manière purement électrique : ça ne changera absolument rien à leurs performances, au contraire d’une Prius qui, sans essence, perd l’essentiel de sa motorisation.
Je ne sais pas si les véhicules à pile à combustible sont l’avenir de l’automobile (ou de l’aviation, du reste, où la densité énergétique est un vrai problème aussi bien pour le stockage électrique que pour le passage à l’hydrogène). Mais utiliser les mots correctement permet de conserver des distinctions utiles.
¹ La différence entre les deux définitions n’est pas aussi anodine qu’il y paraît. Pour le TLF et l’Académie, un moteur basé sur une énergie mécanique peut exister, mais pas pour Larousse. Pour les premiers, la voile d’un bateau (qui emploie l’énergie cinétique de l’air pour entraîner son mât), la roue à aubes d’un moulin (qui emploie l’énergie cinétique de l’eau pour mettre en rotation son axe) ou la catapulte des frères Wright (qui employait l’énergie potentielle d’une masse pour tirer l’avion) sont des moteurs ; pour les seconds, non.