Moteur

Qu’est-ce qu’un moteur ?

La réponse est simple : un moteur est un “appa­reil ser­vant à trans­for­mer une éner­gie quel­conque en éner­gie méca­nique” (TLF, la défi­ni­tion de l’A­ca­dé­mie étant très proche). Larousse est un peu plus pré­cis : “organe trans­for­mant en éner­gie méca­nique une éner­gie de nature différente“¹, mais un point com­mun essen­tiel demeure : un moteur est un machin qui fabrique de l’éner­gie mécanique.

Ça n’est mani­fes­te­ment pas clair pour tout le monde : ces temps-ci, je vois fleu­rir y com­pris dans la presse tech­nique une quan­ti­té d’ap­proxi­ma­tions sur le sujet. Pour cer­tains, un moteur serait appa­rem­ment “un truc dans lequel je mets moi-même une éner­gie chi­mique et qui fait avan­cer une voiture”.

Vraie motorisation hybride : deux moteurs différents entraînent les roues. traduction de Fred The Oyster, CC-BY-SA
Vraie moto­ri­sa­tion hybride : deux moteurs dif­fé­rents entraînent les roues. tra­duc­tion de ce docu­ment de Fred The Oys­ter, CC-BY-SA

Je m’a­ga­çais déjà contre les gens qui qua­li­fiaient de “moto­ri­sa­tion hybride” les sys­tèmes où le moteur ther­mique n’é­tait pas relié aux roues (Che­vro­let Volt, mais aus­si vieilles locos des années 60) : ce sont selon moi des véhi­cules élec­triques, qui embarquent leur propre groupe élec­tro­gène et l’u­ti­lisent en fonc­tion des besoins. Je tiens à cette dis­tinc­tion parce que les vraies moto­ri­sa­tions hybrides, celles qui emploient un moteur ther­mique et un moteur élec­trique pour four­nir de l’éner­gie méca­nique à la voi­ture, comme sur la Toyo­ta Prius par exemple, sont théo­ri­que­ment moins effi­caces : elles incluent un sys­tème méca­nique sup­plé­men­taire pour réunir les deux élé­ments moteurs (un train épi­cy­cloï­dal pour la Prius), puis les ren­voyer vers les roues, et le moteur ther­mique doit avoir des carac­té­ris­tiques (couple, plage d’u­ti­li­sa­tion…) lui per­met­tant de dépla­cer le véhi­cule, au lieu d’être opti­mi­sé uni­que­ment sur la ques­tion du ren­de­ment éner­gé­tique comme dans un groupe élec­tro­gène. Néan­moins, j’ai fini à la longue par bais­ser les bras et me rési­gner à entendre “hybride paral­lèle” pour les moto­ri­sa­tions hybrides et “hybride série” pour les moto­ri­sa­tions élec­triques ali­men­tées par un groupe embarqué.

"Hybride série", en fait une motorisation électrique, un groupe électrogène (dont le moteur peut être optimisé pour cette seule tâche) et un réservoir. document d'après Fred The Oyster, CC-BY-SA
“Hybride série”, en fait une moto­ri­sa­tion élec­trique, un groupe élec­tro­gène et un réser­voir. docu­ment d’a­près Fred The Oys­ter, CC-BY-SA

Mais quand je lis une énor­mi­té comme celle-ci :

Cette pile à com­bus­tible entraîne les roues arrière et ali­mente deux moteurs élec­triques posi­tion­nés sur l’es­sieu avant.

Là, vrai­ment, je ne peux pas. On n’est même plus dans l’i­dée qu’il y a un moteur dans le groupe élec­tro­gène, et que donc, vague­ment, ça fait par­tie de la moto­ri­sa­tion. La pile à com­bus­tible prend une éner­gie chi­mique (l’ar­gu­ment éco­lo­gique fait le plus sou­vent choi­sir l’hy­dro­gène, mais vu les dif­fi­cul­tés que posent le trans­port et le sto­ckage de dihy­dro­gène, on pour­rait voir des piles à métha­nol avant de géné­ra­li­ser celles à hydro­gène) et la trans­forme en éner­gie élec­trique. La pile à com­bus­tible entraîne les roues arrière ? J’ai­me­rais bien savoir com­ment, vu qu’elle ne pro­duit pas la moindre éner­gie mécanique.

Les véhi­cules à pile à com­bus­tible ont tous un point com­mun : leur moto­ri­sa­tion est tota­le­ment électrique.

C’est impor­tant parce que cela signi­fie qu’ils peuvent pro­fi­ter de toutes les avan­cées à venir en matière de pro­duc­tion et de sto­ckage d’élec­tri­ci­té, sans aucun incon­vé­nient. Si, demain, on crée des cen­trales éner­gé­tiques par­fai­te­ment propres, il suf­fi­ra de lais­ser ces véhi­cules bran­chés régu­liè­re­ment, d’ar­rê­ter de mettre de l’hy­dro­gène dans le réser­voir et de les faire tour­ner de manière pure­ment élec­trique : ça ne chan­ge­ra abso­lu­ment rien à leurs per­for­mances, au contraire d’une Prius qui, sans essence, perd l’es­sen­tiel de sa motorisation.

Je ne sais pas si les véhi­cules à pile à com­bus­tible sont l’a­ve­nir de l’au­to­mo­bile (ou de l’a­via­tion, du reste, où la den­si­té éner­gé­tique est un vrai pro­blème aus­si bien pour le sto­ckage élec­trique que pour le pas­sage à l’hy­dro­gène). Mais uti­li­ser les mots cor­rec­te­ment per­met de conser­ver des dis­tinc­tions utiles.

¹ La dif­fé­rence entre les deux défi­ni­tions n’est pas aus­si ano­dine qu’il y paraît. Pour le TLF et l’A­ca­dé­mie, un moteur basé sur une éner­gie méca­nique peut exis­ter, mais pas pour Larousse. Pour les pre­miers, la voile d’un bateau (qui emploie l’éner­gie ciné­tique de l’air pour entraî­ner son mât), la roue à aubes d’un mou­lin (qui emploie l’éner­gie ciné­tique de l’eau pour mettre en rota­tion son axe) ou la cata­pulte des frères Wright (qui employait l’éner­gie poten­tielle d’une masse pour tirer l’a­vion) sont des moteurs ; pour les seconds, non.