Zonage approximatif

Connais­sez-vous le sys­tème des codes OACI d’aé­ro­ports ? C’est simple : chaque ter­rain d’a­via­tion, sur l’en­semble de la pla­nète, reçoit un code de quatre lettres.

La pre­mière désigne une large zone, par exemple S pour l’A­mé­rique du Sud, E pour le nord de l’Eu­rope, L pour le sud de l’Europe.

La seconde désigne une zone plus res­treinte, géné­ra­le­ment un État : dans la zone E, EE désigne l’Es­to­nie, EV la Let­to­nie ; dans la zone L, LF désigne la France. Atten­tion, les limites ne sont pas sys­té­ma­tiques : dans la zone F (Afrique aus­trale), FM désigne non seule­ment Mada­gas­car, mais aus­si les Comores ain­si que les deux ter­ri­toires fran­çais de l’O­céan indien. Autre curio­si­té : les ter­rains de Saint-Pierre et Mique­lon reçoivent des codes en LF, comme la métro­pole, alors que la logique vou­drait qu’ils soient en T (Atlan­tique — Golfe du Mexique, comme ceux de Mar­ti­nique, Gua­de­loupe ou encore St-Bar­thé­lé­my) ou en B (Atlan­tique nord).

Enfin, aux États-Unis, les qua­rante-huit États qui consti­tuent la zone K n’ont pas de répar­ti­tion pré­cise : les trois der­niers carac­tères sont le code mné­mo­nique de l’aé­ro­port, le même uti­li­sé pour l’a­via­tion com­mer­ciale — par exemple, KJFK (New York-John F. Ken­ne­dy) est à côté de KLGA (New York-La Guar­dia) et KEWR (New York-Newark), et non à côté de KJEF (Jef­fer­son city, dans le Missouri).

Vient ensuite, évi­dem­ment, la troi­sième lettre. Lorsque j’ai com­men­cé à m’y inté­res­ser, j’ai rapi­de­ment consta­té qu’en région pari­sienne, les ter­rains avaient géné­ra­le­ment des codes en LFP, les moins impor­tants étant par­fois en LFF. La der­nière lettre don­nait en plus un mné­mo­nique : LFPB pour Le Bour­get, LFPO pour Orly, LFFE pour Enghien, et ain­si de suite. Dans le midi, c’é­taient des LFN et des LFM qui étaient légion. J’en avais conclu que l’a­via­tion civile fran­çaise avait adop­té un zonage régio­nal logique. Mais en creu­sant un peu, j’ai été sur­pris par le large nombre d’ex­cep­tions : pas très loin d’En­ghien-Mois­selles, Les Mureaux avait par exemple ce bizarre code LFXU.

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Fond de carte : dépar­te­ments par Sting et Nil­sti­lar, CC-BY-SA.

Afin de mieux visua­li­ser le phé­no­mène, j’a­vais depuis long­temps envie de tout mettre sur une carte. J’ai enfin pris le temps de le faire, en repe­nant les ter­rains lis­tés sur Wiki­pé­dia, et c’est assez inté­res­sant. Au pre­mier coup d’œil, vous voyez par exemple qu’en matière d’a­via­tion aus­si, les grandes villes drainent l’es­sen­tiel des équi­pe­ments et les régions les moins peu­plées sont oubliées : la Creuse n’a que deux ter­rains, l’un avec une piste de 675 m, l’autre à la fron­tière avec l’Al­lier (et en fait géré par la CCI de Mont­lu­çon), tous deux dépour­vus de des­serte régu­lière ; la Mayenne fait encore pire et ne dis­pose que d’un seul terrain !

Vous note­rez aus­si que cer­tains pré­fixes ne sont pas uti­li­sées : LFV (en fait, les deux ter­rains de St-Pierre et Mique­lon), LFU, LFW et LFZ manquent à l’appel.

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Sur le plan du zonage des codes OACI, on note éga­le­ment que cer­taines zones sont clai­re­ment défi­nies. Les LFP évi­dem­ment, qui sont tous entas­sés en ban­lieue pari­sienne, mais éga­le­ment les LFH sur une grosse par­tie de Rhône-Alpes, les LFR bien ran­gés en Bre­tagne, les LFO qui font un ban­deau de l’est de la Nor­man­die au Mans (qui, curieu­se­ment, est ici appa­ren­té à la Bre­tagne avec son code LFRM), les LFQ qui rem­plissent un quart nord-est et sur­tout les quatre pré­fixes LFB, LFC, LFD et LFI, uti­li­sés en vrac dans une large région qui couvre sen­si­ble­ment la zone d’in­for­ma­tion de Bor­deaux, et repré­sentent la tota­li­té de cette zone à l’ex­cep­tion de Brive-la-Gaillarde (LFSL).

On note cepen­dant déjà quelques absur­di­tés : une poi­gnée de ter­rains sont, comme Le Mans, un peu loin de leur zone théo­rique, le plus remar­quable étant peut-être St-Étienne (LFMH), le seul LFM au nord du Vaucluse !

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Mais ce n’est pas le pire. La zone LFT serait bien pro­pre­ment ran­gée, avec huit ter­rains tas­sés entre val­lée du Rhône et pays tou­lon­nais, si ce n’é­tait pour… Châ­teau­briant, en Loire-Atlan­tique ! Les LFF sont pour leur part géné­ra­le­ment situés en grande région pari­sienne et en Cham­pagne, sauf pour deux éton­nantes séries en formes d’arc-de-cercle du côté de l’At­lan­tique et dans le centre. Quant aux ter­rains du nord de Rhône-Alpes, ça doit leur faire bizarre d’être réunis avec la Corse… Enfin, les ter­rains en LFE sont épar­pillés en trois lots, de la Bre­tagne à la Lorraine.

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Enfin, trois pré­fixes ne cor­res­pondent à aucune zone, sauf à uti­li­ser “France métro­po­li­taine” pour les décrire. Les ter­rains en LFX et LFY sont plus sou­vent que les autres (mais pas tou­jours) des bases mili­taires ou des ter­rains à usage res­treint ; je n’ai rien trou­vé qui réunisse les LFJ.

L’en­semble est donc en fait un “presque zonage” : les aéro­dromes par­ta­geant un même pré­fixe sont géné­ra­le­ment peu ou prou dans la même zone, mais c’est loin d’être sys­té­ma­tique et bien fou­tu et, en pra­tique, on trouve une longue liste d’ex­cep­tions et de sché­mas bizarres.

Mais bon, c’est pas plus bizarre que de pas­ser deux jours à faire une carte, juste pour un billet de blog.