Concours d’inculture
|Marion Maréchal-Le Pen, poursuivant inlassablement sa tâche de confirmer les pires clichés sur les blondes, a déclaré :
Qui n’a pas vibré au sacre de Reims et à la fête de la Fédération n’est pas vraiment Français.
Rapportant l’information, l’AFP (et donc, toute la presse française, dans un bel unisson bien lourd comme seule la pompe à dépêches peut en fournir), a cru utile de préciser :
Pendant plusieurs siècles, les rois de France ont été sacrés dans la cathédrale de Reims, symbole de l’alliance entre le pouvoir royal et l’Eglise catholique. La fête de la Fédération est elle un symbole républicain, la célébration du premier anniversaire de la prise de la Bastille.
Pour tout dire, j’ai du mal à décider ce qui m’afflige le plus. Je vais donc commencer par les confrères.
Pour bien comprendre le niveau de leur connerie, commençons par le déroulement de la fête de la Fédération. Elle a débuté par une messe (c’était en 1790, 115 ans avant la Loi de séparation des églises et de l’État), suivie de la prestation de serment du commandant de la Garde nationale, le marquis de La Fayette (le 4 août n’avait pas aboli les titres). Je vous mets juste le début de celui-ci :
Nous jurons de rester à jamais fidèles à la nation, à la loi et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi
Oui, il y a deux fois “roi” en autant de propositions.
D’autres serments ont été prêtés ce jour-là, le dernier notable étant libellé ainsi :
Moi, roi des Français, je jure d’employer le pouvoir qui m’est délégué par la loi constitutionnelle de l’État, à maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois.
Je vous laisse deviner la profession et l’identité de son auteur (pour les distraits, y’a un indice dans le deuxième mot).
La fête de la Fédération n’est absolument pas un symbole républicain. Au contraire, après un an de politique plutôt houleuse, elle consacre l’installation d’une monarchie constitutionnelle, établie fin 1789.
Pour la qualifier de symbole républicain, il faut donc ignorer qu’il s’est écoulé presque trois ans entre la promulgation des articles de la constitution de 1789 et l’abolition de la royauté. Il me semblait pourtant qu’avoir une vague idée de l’histoire de France était un prérequis pour être journaliste politique.
Or, il est important de connaître son histoire. Parce que du coup, la citation de la petite Maréchal-Le Pen n’évoque pas du tout l’histoire de France à travers ses rois et ses républiques ; la citation évoque deux symboles de la royauté — le sacre, la royauté absolue “de droit divin”, et la fête de la fédération, la royauté constitutionnelle renouvelée.
Qu’elle ait cru, en parlant de la fête de la fédération, parler de république, c’est possible, je la crois suffisamment inculte pour devenir journaliste ; mais on n’en saura rien sans lui poser la question.
Il reste que, volontairement ou accidentellement, elle a bien exprimé en gros que ceux qui ne vibrent pas devant l’acclamation d’un roi, donc sans doute une large majorité des républicains convaincus, ne sauraient être tout à fait français.