Journée de(s| la) femme(s)
|Vous aimez les jeux ? J’en ai un amusant : ça consiste à chercher l’erreur.
J’ai un certain respect pour l’ONU, je l’ai déjà dit, même si je regrette souvent qu’elle n’ait pas les t̶r̶i̶p̶e̶s̶ moyens pour prendre et faire respecter des résolutions en ligne avec ses valeurs.
Mais là, à mon humble avis, l’ONU a vraiment merdé.
C’est le “internal women’s day”. Women, au pluriel, comme en témoigne l’adresse de la page. Donc la journée internationale des femmes, et pas de la femme.
Qu’est-ce que ça change ?
Tout.
Les femmes, c’est la moitié de l’humanité qui est équipée de deux gonosomes complets et dépourvue du débris de gonosome qui nous caractérise, nous les mâles. Dans une acception moins biologiste, c’est la moitié de l’humanité qui se reconnaît dans le genre féminin. Dans tous les cas, c’est une pluralité.
La femme, c’est un concept qui réduit les femmes soit à une moyenne sans intérêt, soit à un fantasme irréel, qui en tout cas nie ou réduit la variété qu’il prétend recouvrir. “La femme”, c’est l’expression qui permet de dire que “la femme est moins forte que l’homme”, que “la femme est plus sensible” ou que “la femme est naturellement poussée à la maternité”. Remplacez “la femme” par “les femmes” dans ces expressions, et vous verrez d’un coup à quel point elles sont crétines : vous ne pourrez plus les prononcer sans vous réfugier dans des précautions — “statistiquement, les femmes sont moins fortes que les hommes”, “la plupart des femmes sont sensibles”, “la majorité des femmes veulent des enfants”, autant de phrases qui justement portent en elles la non-uniformité des femmes, de leurs caractères et de leurs aspirations.
Quand on mélange les pluriels et les singuliers et qu’on transforme accidentellement “Star wars” (soit “les guerres de l’Étoile”) en “La guerre des étoiles”, c’est vaguement ridicule et plutôt marrant, et ça permet à des générations de geeks de se moquer du traducteur qui n’a rien compris — “l’étoile”, c’est l’Étoile noire et l’Étoile de la mort, enjeux majeurs de la trilogie originelle.
Mais quand on fait le même genre de connerie pour l’intitulé officiel d’une publication de l’Organisation des nations unies, on amalgame du coup près de quatre milliards d’êtres humains sous une étiquette fourre-tout. Et ça, ça a une toute autre gravité.