La légende des trois sacs à merde
|Ils sont trois. À l’extérieur, ils ressemblent à des êtres humains : deux jambes, deux bras, un tronc, une tête, des vêtements pour emballer tout ça, rien de très extraordinaire.
Pour les reconnaître, il faut utiliser des indices comportementaux. Oh, pas une histoire de petit doigt toujours tendu, non, de vrais indices comportementaux.
Imaginons une petite scène typique : un homme en fauteuil roulant, piégé par un caniveau, la roue coincée entre celui-ci et le trottoir, en bordure de la chaussée, qui crie “aidez-moi” en agitant les bras.
N’importe quel être humain, dans cette situation, réagit en trois temps :
- qu’est-ce que je peux faire ? (“si je passe derrière, en le tirant à la montée ça doit le débloquer”) ;
- est-ce que c’est dangereux ? (“c’est les voitures dans ce sens-là qui passent, donc y’a encore quelques secondes de tranquillité”) ;
- bon, on y va.
Je parle pas d’un saint, d’un bon Samaritain ou d’un Juste empli de compassion et d’altruisme, non ; un homme ordinaire, vaguement égoïste, pas très attaché à l’avenir des autres, juste un type normal qui se dit “putain, si un jour j’étais dans une situation comme ça, j’aimerais que quelqu’un fasse quelque chose”.
Pour reconnaître nos héros du jour, c’est simple : ce sont les trois personnes qui passent en jetant brièvement un œil sur la scène, avant d’utiliser leurs deux jambes de merde pour transporter leur corps de merde loin de l’événement. Je n’arrive même pas à imaginer ce qu’il se passe à ce moment-là dans leurs têtes de merde.