Bonne promenade
|Tout à l’heure, j’étais au cinéma à côté de chez moi en train de regarder L’ascension. Et plusieurs fois, j’ai vu l’Everest, présenté ici comme un géant splendide et presque bienveillant, et à chaque fois je repensais au Sommet des dieux, où la même montagne, sous le même angle, par la même météo, est un monstre menaçant, acéré, décidé à dévorer les tarés qui se risquent sur ses flancs.
Et je me disais que c’est impressionnant comme un simple choix graphique peut transformer totalement un même sujet pour s’accorder à un propos radicalement différent — comédie légère ou poème homérique.
Et puis là, j’arrive chez moi, je regarde le JT, et puis je fais un tour sur les actus web, et puis je vois ça — dont le JT n’a bien sûr pas parlé, trop occupé à relayer les voyages de Fillon.
Jirō Taniguchi est mort.
C’est marrant, parce que j’ai pensé à lui une bonne dizaine de fois en deux heures, mais ça n’est pas pour son œuvre la plus connue. Taniguchi, pour la plupart des gens, c’est avant tout Quartier lointain. C’est aussi Le journal de mon père et L’orme du Caucase. Bref, c’est l’auteur d’histoires intimistes, pudiques, de pensées délicates de gens ordinaires. D’ailleurs, Le Monde n’a même pas cité Le sommet des dieux.
Mais personnellement, dans les publications plus habituelles de Taniguchi, je retiendrai surtout L’homme qui marche. Tout est dans le titre : on suit les pérégrinations d’un marcheur. Ce qu’il voit, qui il rencontre, quelles pensées le traversent au hasard de ses déplacements. Il ne se passe rien, objectivement ; ce n’est qu’une suite d’émotions, un voyage délicat, une rêverie sensible, une balade subtile.
Bonne promenade, Maître Taniguchi.