Joyeux anniversaire
|Il avait des épaules. Et des biceps.
Et du bide.
Et une très, très grosse tête.
Et il était un peu bossu, aussi.
Et il avait des pattes bizarrement placées, juste sous le ventre.
Bref, soyons honnêtes : avec sa carrure de sumotori voûté, il prenait à contre-pied tout ce qu’on appelait “beau”.
Mais ça n’était pas son objectif : ce qu’il voulait, c’était devenir champion d’haltérophilie, et s’il est un sport qui s’accommode bien des silhouettes trapues et vaguement tordues, c’est celui-ci. Ses goûts le poussèrent d’ailleurs, lorsqu’on lui demanda de perdre un peu de poids pour se mettre au marathon, à se faire raccourcir le tronc par un chirurgien certainement pas esthétique. Avec l’âge et l’exercice, sa gibbosité s’accrut, et à l’approche de la quarantaine il était un sujet d’expériences populaire chez les maniaques du bistouri — qu’ils aient décidé de lui greffer un bras sur le côté de la nuque, de lui fixer un gros œil sur les reins, de le transformer en bizarre marsupial avec une énorme poche dorsale, ou même d’en faire un étonnant monotrème capable d’uriner sur les flammes. Il n’empêche que, témoin et acteur majeur de cinq décennies d’Histoire, il a fini par redéfinir tous les critères esthétiques, jusqu’à être considéré par certains comme l’un des plus beaux de son espèce.
Joyeux anniversaire, Boeing 747.