Expérience insuffisante
|Aujourd’hui, j’ai appris ça :
Vu que j’étais allé à ce meeting même l’an passé, j’ai contacté l’organisation sur Facebook. J’ai eu l’explication suivante :
J’ignore si je fais partie des pilotes qui ont causé des incidents. Si c’est le cas, personne ne m’en a touché un mot (ce qui serait regrettable, les incidents sont d’excellentes occasions d’apprendre). Mais ce n’est pas la question du jour.
La question du jour, c’est : est-ce que la réponse est adaptée au problème ?
Par moments, dans la vie, faut être franc. Alors voilà mon avis : cette restriction n’est pas seulement frustrante. Elle est aussi totalement arbitraire et extrêmement stupide.
Les deux principales particularités que je vois pour aller à ce meeting, c’est que la piste de Couhé-Vérac est en herbe et relativement courte, et qu’il y a beaucoup de trafic à gérer.
Je connais des pilotes qui ont 500 h, n’ont jamais mis les roues sur une piste en herbe et ne savent pas se poser au seuil. D’autres qui ont 200 atterrissages sur des pistes en herbe mais n’ont jamais eu à s’intégrer dans un trafic dense. J’en connais aussi qui, le jour du brevet, savaient poser un 172 dans un créneau de cinq minutes sur un aéroport international aussi bien que l’arrêter en 400 m sur de l’herbe humide sans bloquer les roues et redécoller sans l’embourber.
(Je prétends pas en faire partie, notez.)
D’une part, l’expérience ne fait pas tout. Certains ont naturellement une meilleure conscience de la situation, une meilleure synchronisation gestuelle, une meilleure capacité d’apprentissage.
D’autre part, l’expérience se nourrit d’heures de vol, mais elle se nourrit surtout… d’expériences. Aller ici, se poser là, apprendre ceci, étudier cela. Faire des choses qu’on ne connaît pas, évoluer dans des conditions variées, sur des terrains variés, en gérant le relief, le vent, le trafic, le contrôle.
Coup d’œil à mon carnet de vol, faisons des stats (on se refait pas). Il y a un an, j’avais 45 h comme CdB (sur 102 au total). Aujourd’hui, j’en ai 80. Sur mes 35 h solo de 2018–19, j’ai 4 arrivées sur des meetings, 3 rallyes, 13 terrains que je connaissais pas dont 2 de moins de 800 mètres dont un en montagne avec une aérologie pourrie (oui, Corte, je pense à toi), de l’herbe, du dur, de l’auto-info déserte, du contrôlé blindé d’autres avions, de l’auto-info surchargée (je vous ai dit que j’ai fait des rallyes ?), de l’AFIS de nuit avec quatre ou cinq avions dans le tour de piste, du beau temps, du plafond bas, des turbulences, une arrivée avec 4 km de visibilité…
Voyons les choses en face : selon la FFA (cf. Info-Pilote n°758), en 2018, 39 045 pilotes ont fait 522 349 heures de vol, soit une moyenne de 13 h 22 par tête. Deux tiers de ces heures sont des vols locaux. Ça nous laisse 4 h 30 de navigation par tête en moyenne. Combien de situations inédites rencontrées dans ces 4 h 30 ? Combien de pilotes ont ronronné confortablement tout au long de l’année ?
Je prétends pas être bon (à chaque vol, je vois ce qu’il me reste à apprendre). D’ailleurs, je ne demande pas d’exemption, je trouve logique qu’il y ait des exigences lors d’un meeting sur une piste limitative supérieures à celles qui permettent d’aller sur une belle piste en dur déserte. Ce que je dis, c’est que si je ne suis pas au niveau pour retourner à Couhé, alors le pilote qui a 300 heures solo, mais étalées sur ses 25 ans de brevet, qui a fait ses 12 heures de l’année les jours de beau temps en restant dans son quartier, il serait clairement pas raisonnable qu’il s’y rende !
Mettre une barrière sur les seules heures de vol, ça ne va pas améliorer la sécurité, ou marginalement. En revanche, ça peut dégoûter les jeunes pilotes, qui voient s’éloigner brutalement la possibilité d’utiliser leur licence comme moyen de se rendre là où est (souvent) née leur passion.
Le pire, c’est que c’est une déclaration sur l’honneur. Je peux tout à fait y aller, au prix d’un mensonge. Alors, puisqu’il s’agit de déclaration sur l’honneur, pourquoi ne pas plutôt mettre de VRAIS critères ?
Je déclare sur l’honneur avoir réalisé dans les douze derniers mois au minimum vingt heures de vol comme commandant de bord, trois atterrissages complets et décollages sur des pistes non revêtues de moins de 1000 m de longueur utilisable, ainsi qu’au moins une expérience d’arrivée en auto-information avec un minimum de quatre autres appareils dans le circuit d’aérodrome.
Ça serait plus long, bien sûr. Mais au moins ça correspondrait réellement à une exigence d’expérience, au lieu d’être une valeur chiffrée arbitraire, à laquelle n’importe qui peut répondre à la simple condition de piloter depuis longtemps, et qui ne reflète que très, très, très approximativement les compétences réelles du moment.