Joyeux anniversaire
|Il savait profiter de ses faiblesses. Il était introverti, peu expressif et avait tendance à parler entre ses dents ? C’était parfait pour devenir tueur à gages ou redresseur de torts, l’homme mystérieux que personne ne voit venir. Après une jeunesse troublée où il traîna sa violence un peu partout en Europe et aux États-Unis, il s’installa à San Francisco, où il passa deux décennies à envoyer divers malfrats au trou — souvent un vrai trou, de six pieds par trois. Les contacts avec les hippies furent souvent rugueux, mais il y découvrit l’humour et la musique : on le vit alors traîner de bar en bar avec sa guitare et son orang-outan, entre deux courses-poursuites contre les gangsters et affrontements avec ces enfoirés de communistes bien sûr. Comme beaucoup de gens, c’est à la soixantaine qu’il commença à se poser et à réfléchir, remettant enfin en cause sa jeunesse troublée, se mettant à la photo sentimentale et commençant à s’occuper des jeunes. Il se prit également de passion pour l’Histoire et se mit en tête de la raconter, enchaînant les portraits de grands hommes comme de simples quidams. Il n’a pas tout à fait rompu avec sa vieille fascination pour les moyens expéditifs et les assassins, et on peut le voir comme un facho réac malgré ses plaidoyers pour une société plus ouverte. Mais entre nous, qui, après avoir tout vu de la Grande Dépression aux subprimes, n’a pas ses petits paradoxes ?
Joyeux anniversaire, Clinton Eastwood Jr.