Le lendemain, on a l’impression que quelqu’un a coupé le robinet à vent. L’air est calme, presque mort, avec une bonne brise d’une trentaine de kilomètres à l’heure. Temps idéal pour faire tout ce qui était prévu : on commence par une heure de route pour rejoindre une route qui monte sur une langue du Mýrdalsjökull.
On ne monte pas avec la Swift. Non plus qu’avec cet engin, d’ailleurs : j’avais vu ce genre de truc dans des docus sur les expéditions polaires, mais en vrai, ça impressionne vachement plus. Moteur central, huit roues motrices, quatre roues directrices, tout chaîné bien sûr…
On monte avec ça. Un Patrol et un Range Rover, montés “bigfoot” bien sûr, mais même pas chaînés : pas drôle. On part devant avec le Range, un vieux diesel que personne n’a eu la gentillesse de laisser chauffer, le Patrol suit avec une remorque et deux Ski-Doo à bord. Et six personnes par voiture, bien sûr.
Grimpette dans la terre, puis grimpette dans la neige, avec des ressauts à 10–12 % franchis en seconde courte comme qui rigole, et un passage où on s’arrête après un fossé en léger croisement de ponts suivi d’un bon 15 %. Le Patrol est arrêté, à moitié tanké… Mais un coup de marche arrière sur dix mètres, première courte en croisant les traces, ça grimpe malgré la charge. Impressionnant, le tour dans un confort hallucinant, pneus basse pression obligent.
On arrive sur le glacier, temps idéal : à peine quelques nuages, ciel bleu. Cabane, on retire les vestes, on enfile des combis, les gants, tout ça…
…et direction les moto-naèège, comme dit Ghusse depuis qu’il est rentré du Canada. Ah oui, il neige et c’est un jour blanc.
J’ai gardé le E‑PL1 autour du coup, par dessus la combi : du coup, en cas d’arrêt, il me suffit d’une paire de secondes pour faire une photo. Le temps se dégage vite, on sent qu’on est en montagne. Par contre, je suis un peu surpris par le côté physique du pilotage de l’engin : il n’a pas forcément super envie de suivre les traces de celui de devant, mais il ne veut absolument pas en sortir. En gros : tout virage pour un motif quelconque demande un bon coup de guidon bien décidé.
Plus loin, on s’arrête en plein blizzard. Les passagers de la moto-neige précédente me filent un Ixus 860, “can you take a picture of us ?”, œuf corse I can, thank you toussa.
La guide nous réunit, s’agenouille dans la neige et commence à creuser.
Dans la brume, elle réunit un tas de neige et nous explique que ça, c’est le Mýrdalsjökull et qu’on est là, que ça c’est l’Eyjafjallajökull, qu’entre les deux y’a un col et que ça a pété là (vous vous rappelez, l’histoire de l’éruption apparue deux jours avant ?).
Puis, profitant du soleil tropical, elle creuse un gros trou au milieu de son Mýrdalsjökull et explique que là, sous 600 m de glace, il y a le Katla, et que quand il y a une éruption du Katla, elle commence par faire fondre toute la glace. Alors, on ne sait jamais où ça va sortir, ça peut couler par plusieurs vallées, mais à chaque fois ça y fait un jökulhlaup, toute l’eau chauffée déferle d’un coup dans la vallée en emportant tout au passage et c’est le truc que les Islandais craignent en ce moment, déjà l’éruption du week-end a bien gonflé le Markarfljót et c’était pas une sous-glacière…
On redescend vers le garage, avec en passant de gros travers où je me rends compte que même en s’installant complètement en biais, la machine reste très très lourde du nez, plus qu’un quad même, et faut suivre les autres à 60 à l’heure. Deux clowns font une pointe de vitesse et s’éloignent du groupe, mais il faut environ douze secondes au ski-doo-balai pour leur courir après, leur passer une brassée et les ramener : efficace.
Une fois rendus, après un dernier coup de tempête de neige, on retrouve nos tenues normales et un soleil de plomb.
Joli petit tour, instructif, sympa et tout, et puis on a bien compris pourquoi les autochtones ont un dicton qui dit à peu près : “si le temps vous plaît pas, attendez cinq minutes”.
On repart vers 15 h (nota : faites pas gaffe aux EXIF, les appareils sont à l’heure française), ce qui laisse le temps de profiter du climat pour pousser jusqu’à la mer.
Alors là, non, c’est pas Douarnenez. C’est Dyrhólaey, paraît-il point le plus méridional d’Islande, connu pour ses rochers percés et ses oiseaux.
Là, je suis plus sûr de mon coup, donc je vais même pas tenter de donner le nom de ce truc qui dépasse. Je sais même plus exactement d’où la photo a été prise, mais à gauche y’a une grotte et autour une quantité folle de zoziaux.
Et puis, y’a beau pas y avoir de vent, y’a quand même quelque vagues…
On reprend la route. J’ai laissé le volant à ma mère (la moto-naège m’a quand même un peu fatigué), j’en profite pour photographier le panache du volcan… Ah oui, ça fume quand même un peu.
On tourne à gauche, piste en terre damée mieux que du bitume dans bien des coins de France, et là… Ah ben oui, ça déprime Nicole : il y a quelques années, les Islandais ont découvert les balles de plastique pour englober le foin, largement adoptées en Europe et aux États-Unis. Le problème, c’est que dans ces coins-là, du vent à plus de 100 km/h, c’est rare, et en Islande, c’est quotidien. Du coup, les balles roulent, s’éventrent sur les barbelés, et leur emballage plastique se balade et pourrit le pays sur des dizaines de kilomètres.
18 h, on arrive à Bakka, on se gare. Comme je suis un mec sympa, je me moque pas de ma mère au moment où elle tente de débrayer et nous plante le nez dans le tableau de bord. La journée commence juste.