Der­nier jour à Hel­la, coup de bol : le temps est bien, déga­gé, il fait chaud genre 5 °C et le vent est tota­le­ment tom­bé. Coup de fil rapide à Ská­la­kot, oui, c’est une bonne jour­née pour un tour à che­val, ren­dez-vous à 11 h.

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Quand on arrive, la fille qu’on a briè­ve­ment vue mar­di est en train de pré­pa­rer deux che­vaux frais. À chaque coup de brosse, elle détache un volume de poil dans lequel on pour­rait plan­quer un caniche royal : c’est là qu’on recon­naît un peu comme un air de res­sem­blance avec les fjords, plus lourds, plus larges, plus uni­for­mi­sés, mais capables eux aus­si de lais­ser trois kilos de crins par jour dans une étrille au printemps.

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Vingt minutes plus tard, on est en route. J’ai un che­val blanc, ma mère une jument baie “qui adore töl­ter, elle s’y met­tra pro­ba­ble­ment même si vous deman­dez le trot”. Le long de la route, une piste d’é­qui­ta­tion : ce n’est pas spé­ci­fique à cette route, qui accède à l’é­cu­rie, mais géné­ral sur une bonne par­tie du réseau islan­dais. Dans 300 mètres, nous serons d’ailleurs le long de la route 1, bor­dée elle aus­si d’une piste où deux che­vaux peuvent mar­cher de front.

Après avoir tra­ver­sé la 1, on des­cend dans une plaine alluviale…

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La guide s’ar­rête, sort son télé­phone. “J’ai décou­vert ça hier, je vou­lais le photographier…”

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“Ça”, c’est un crâne à moi­tié enfon­cé dans le sol. Dans un wes­tern, il signa­le­rait au voya­geur qu’il est temps de retour­ner à la civi­li­sa­tion. Même pas peur, on continue.

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L’Is­lande, c’est donc aus­si la Camargue sans les roseaux (ni les moustiques).

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Il y a une langue d’eau sur un ter­rain meuble dans lequel nos traces res­tent bien mar­quées. On fait un large tour là-dedans, on est en fait assez pré­ci­sé­ment . D’a­près notre guide, nor­ma­le­ment, c’est un lac de très faible pro­fon­deur, mais les ter­ribles vents des jours pré­cé­dents ont dros­sé la flotte vers la mer et déga­gé le sol.

Mon che­val n’aime pas ça du tout, il refuse par­fois obs­ti­né­ment d’a­van­cer dans les coins les plus meubles, et fina­le­ment je décide de le lais­ser faire vu qu’il a un meilleur ins­tinct que moi pour savoir où ça va tenir et où ça va plan­ter jus­qu’aux bou­lets. Y’a juste la tra­ver­sée d’un ruis­seau qui lui a vrai­ment posé un gros pro­blème, il a fal­lu le prendre par sur­prise en lui col­lant le nez der­rière la jument au grand trot pour qu’il se décide à sau­ter — même avec moi à pieds devant, il vou­lait pas passer.

Au pas­sage, la guide nous fait mar­rer en enton­nant Sur le pont d’A­vi­gnon, apprise au col­lège en Alle­magne — elle est là pour trois mois, ne parle pas un mot d’is­lan­dais et bavarde gaie­ment dans un excellent anglais. Le fran­çais, elle a arrê­té à quinze ans et a tout oublié à part cette chan­son… et le mot “caram­bo­lage”, sor­ti après un trot lorsque les trois che­vaux se sont empi­lés au retour au pas — on connaît tous des mots étran­gers imbi­tables qu’on a tel­le­ment galé­ré à apprendre qu’on ne les oublie­ra plus jamais.

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Avant de ren­trer, je pho­to­gra­phie un der­nier pay­sage. Il n’y a abso­lu­ment aucun vent, du coup l’eau est lisse et, avec la terre dix cen­ti­mètres en des­sous, devient un par­fait miroir.

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Dans l’a­près-midi, on pro­mène un peu au sud d’Hel­la. Une chute, encore, en soleil rasant, toujours…

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…et, au des­sus de la cas­cade, les ves­tiges d’une petite cen­trale électrique.

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Je pense à Phi­lippe, atta­ché de presse de Pana­so­nic et maniaque de la pho­to de lieux déser­tés, qui ado­re­rait sans doute l’en­droit (oui, j’ai des pho­tos à trier aus­si d’une sor­tie avec lui…).

Retour à Hel­la, il est temps de dîner…

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Le res­tau a un totem devant la porte. Il pro­pose Inter­net aux clients — en fait, beau­coup des éta­blis­se­ments où on a mis les pieds avaient une solu­tion WiFi au moins basique — et on en pro­fite pour rele­ver les mails, avec Cat Ste­vens en bande-son. À la fin, je paie avec plein de pièces, le ser­veur com­pa­tis­sant m’ex­plique que oui, les 100 cou­ronnes, tout le monde en a à la pelle, que ce sont des pièces qu’on laisse en vrac dans la voi­ture pour payer le pain mais qu’il faut pas essayer de les ran­ger sous peine d’en avoir des kilos en quelques jours.

Suite : go west !