Arequipa est une ville. Une grande ville. Premier contact, premières remarques : les piétons sont le dernier maillon de l’échelle alimentaire locale, les automobilistes conduisent avec une main sur le klaxon en permanence, il y a une foule de taxis et presque autant de minibus. Ceux-ci permettent, pour 0,8 nuevos soles ― soit la somme mirobolante d’environ 0,3 €, abordable même avec un écart de niveau de vie conséquent ― de se déplacer à peu près n’importe où en ville, les destinations étant criées en permanence par la personne qui tient la porte. Bondés, ils sont le mode de transport préféré des locaux. Entre la Plaza de Armas et l’hôtel, le manque de place me fait craindre de me faire jeter, avec mon sac aussi volumineux qu’un adulte ordinaire, mais non : le péruvien a l’habitude de ce genre d’encombrements et, au pire, fait signe de déplacer le bazar pour pouvoir sortir.
Plongée directe dans le pays donc, avec deux gamins tout étonnés de voir deux gringos entassés avec eux qui nous demandent qui on est, d’où on vient, etc. Les gosses, c’est sympa : ça parle pas trop vite et ça utilise un vocabulaire à mon niveau, j’arrive à peu près à suivre. Certainement un peu moins confortable que nos taxis et nos bus, mais beaucoup plus convivial.
Premier contact aussi avec la cuisine péruvienne. Simple, avec une bonne dose de féculents (pommes de terre ou riz le plus souvent) et de la viande au choix. Forcément très cuite ou grillée, les conditions sanitaires n’étant pas propices aux tartares…
C’est pas de la grande cuisine, mais c’est équilibré, plutôt bon et ça tient au corps. C’est une cuisine efficace de travailleurs, bien loin de nos restaurants chics pour bobos inactifs, et ça fait du bien de retrouver une nourriture nourrissante.
Lundi matin, visite au marché. Dans un coin, un truc original : un stand de boissons… Et de grenouilles.
Celles-ci font partie de celles-là : assommée, nettoyée puis dépouillée, la grenouille passe au mixeur avec des épices, du miel et du jus de céréales pour former une spécialité locale.
Comme il ne faut pas mourir idiot, Clémence en commande un. Moment d’inquiétude, et puis… C’est pas mauvais, en fait : on sent bien le goût des épices et plus vraiment celui de la grenouille. Et personne a été malade (en fait, le jugo de rana guérit à peu près tout, d’après ceux qui le vendent).
Après avoir fait le tour du marché, on commence les choses culturelles. J’en retiens surtout une chose, la visite incontournable à Arequipa : le couvent Santa Catalina.
C’est un des lieux les plus chers de la ville, avec une entrée à 40 soles. Et franchement, ça vaut le détour.
Ville dans la ville, il réunit ses dizaines de cellules en quartiers. C’est un labyrinthe de plus de deux hectares, très coloré, qui ajoute à son décor naturel une scénographie assez étudiée et quelques pancartes explicatives variées ― sur la vie religieuse, bien sûr, mais aussi sur des aspects auxquels nous n’aurions pas pensé, comme cette sœur qui avait vendu l’usage de sa cellule à une autre…
Les cellules sont souvent réunies à deux ou trois, avec un four à bois partagé, et la plupart des morceaux de labyrinthe sont un fait un cul-de-sac d’habitations ; mais au delà du simple plaisir de se paumer dans un musée, ça vaut le coup de jeter un œil un peu partout : c’est parfois au détour d’une cellule perdue qu’on tombe sur un outil ou un détail que l’on ne voit pas ailleurs, comme une tige verticale avec une roue en bas que si y’avait pas eu une pancarte, je saurais toujours pas que c’était un rouet, très très différent des nôtres.
Les écoliers aussi visitent le couvent, avec des uniformes assortis aux murs.
Le lavoir, au fin fond du couvent, vaut à lui seul le détour : construit comme une succession de gigantesques demi-jarres, il permet de se rafraîchir au passage et tout le monde joue à bloquer le passage de l’eau pour remettre en eau telle ou telle jarre ; c’est surtout impressionnant de voir cet alignement sur une bonne dizaine de mètres, et ça rappelle qu’il fut un temps où le couvent abritait plusieurs centaines de personnes, avec le débit de linge que cela suppose.
Il y a aussi quelques traces d’activité traditionnelle (une partie du couvent est toujours habitée), comme l’élevage de cochons d’Inde, chose qui se nourrit de tout, se reproduit facilement, s’apprivoise sans problème et en plus se mange.
Au milieu, une tour permet d’avoir une vue surplombante sur le couvent et ses différents quartiers. Vu d’ici, c’est gigantesque et on a vraiment l’impression de regarder un quartier de ville.
Après deux jours à visiter Arequipa, ville assez sympa mais nulle part aussi spectaculaire qu’au couvent, nous attaquons les choses sérieuses avec une première rando : le cañon de Colca.