J’avais un magasin
Qui vendait des CD,
Des dicos, des bouquins,
Bref, de l’art en allées.
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S’disait agitateur,
Voulait sortir du rang,
Que le consommateur
Ait plaisir en achetant.
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Se disait culturel,
Le savoir accessible,
Autre chose que Belle,
Autre chose que la Bible.
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Les gens devaient venir
Tester avant d’acheter,
Et ceux qui aimaient lire
Y venaient bouquiner.
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On lisait tranquillement
Et puis, si ça plaisait,
On achetait en partant ;
Et sinon, on laissait.
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C’était plus qu’une boutique :
On savait ce qu’on achetait.
Ç’a été un déclic,
Plus payer yeux fermés.
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Et le consommateur,
Enfin libre de son choix,
Devenait un acteur
En plus d’être déjà roi.
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Mais cet ère est fini,
Et, la dernière fois,
Mes espoirs furent détruits
Par un gros vilain tas.
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Alors que je testais
Le dernier “Bidochon”,
Un vigile arrivé,
Charmant comme une prison :
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“Pour tout le monde, la règle est
La même et, ici
Dans toutes les allées
C’est interdit de lire.”
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Je ne sais pas pourquoi
Il a dit “pour tout le monde” ;
Peut-être qu’il ne sait pas
Lire, c’est pour ça qu’il gronde…
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En tous les cas pour moi,
C’est clair, net et précis :
Je n’achèterai pas
Ce que je n’peux pas lire.
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Je ne suis pas aveugle,
Je veux toujours savoir,
De Lanfeust à Biggles,
Ce que ça peut valoir ;
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Les étagères chez moi
Sont une preuve, au besoin,
Qu’avoir lu n’empêche pas
Que j’achète ce qu’est bien.
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Dans ce grand magasin,
J’irai plus, j’peux vous l’dire :
Qui veut vendre des bouquins
En chassant ceux qu’aiment lire ?
(11/02)