Je me sou­viens d’un jeune Israélien

Qui, toute sa vie, ten­ta de faire le bien ;

Il se disait enfant unique, divin ;

Mais, un beau jour, pour trente mau­vais deniers,

Un de ses amis lui don­na un baiser.

Ce fut le cas pour Jésus, tu sais bien :

On est jamais mieux tra­hi que par les siens…

Je me sou­viens d’un empe­reur romain

Qui, dans une mare de sang, un beau matin,

Voyant le visage de ses assassins,

Se redres­sa, éton­né et surpris,

Et mur­mu­ra : “Tu quoque, figli”.

Ce fut le cas pour César, tu sais bien :

On est jamais mieux tra­hi que par les siens…

Je me sou­viens, pen­dant l’Occupation,

Du grand chan­tier de l’unification

Des résis­tants qu’un homme mena de front ;

Mais à la fin, c’est à la Gestapo

Qu’un résis­tant le don­na en cadeau.

Ce fut le cas, tu sais, pour Jean Moulin :

On est jamais mieux tra­hi que par les siens…

Pour pas­ser le temps, en train, je somnolais,

Par­fois, un télé­phone me réveillait ;

Un bouf­fée meur­trière me traversait

Pour l’a­bru­ti qui l’a­vait inventé.

Mais mes parents m’ont offert cette saleté.

C’est tou­jours le cas, vrai­ment, je vois bien :

On n’est jamais mieux tra­hi que par les siens…

(01/03)