Tout au long d’ta vie,
La télé t’a dit
“Celle-là est jolie” :
Un mètre quatre-vingts,
Ni ventre ni seins
Dans son maillot d’bain.
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Tes potes collégiens
Bloquent sur un mannequin
Comme une planche à pain.
Tu les vois baver,
Ils ont pas r’marqué
Que t’avais changé.
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C’est que t’as poussé,
Tes seins sont galbés,
Ta taille s’est creusée.
Tu t’demandes pourquoi
Ils t’regardent pas
Alors que t’es là ;
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Ils préfèrent rêver
Aux femmes de papier,
Aux stars de télé.
Ici, on vénère
Les femmes grandes et maigres,
Cerveau en jachère.
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C’est venu p’tit à p’tit,
Tu t’dis : “J’ai grossi”
Alors qu’t’as grandi,
Que tu t’es musclée,
Que tu t’es galbée,
Qu’tu t’es dessinée.
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Tu rentres plus bien
Dans ton maillot d’bain,
Celui qu’tu mettais
À l’été dernier,
Quand tu faisais cinq
Centimètres de moins.
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Dans “Jeune et jolie”,
T’as lu pour faci-
lement perdre trois kil’,
Tu manges plus de bœuf,
Ni d’agneau, ni d’œufs,
Ni de charcuterie.
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Juste un peu d’poulet,
Salade et navet,
Et tomate tranchée.
Quand tu as trop faim,
Tu te roules un joint
Pour te sentir bien…
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Perdu trois kilos,
Je te vois les côtes,
Les hanches qui ressortent ;
Tu te pinces les fesses,
Tu dis “c’est d’la graisse,
J’suis encore trop forte”.
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Adieu le poulet,
Juste des légumes frais,
Tu veux t’aplatir.
Tu peux plus tenir,
Tu manges et, après,
Tu te fais vomir.
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Dans la salle de bains,
T’es toute seule, enfin
Tu regardes bien.
Perdu dix kilos,
La peau sur les os,
Tu te vois moins grosse.
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Tu t’dis qu’t’as minci,
Que t’es svelte, aussi
Tu dois être jolie ;
Je vois qu’un sac d’os
Où y’avait une gosse
Déjà pas bien grosse.
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Ton corps affamé
Tente de te sauver :
Tes règles sont stoppées,
Ta tension à dix,
Dors dix heures par nuit,
Et plus d’énergie.
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Tu dis qu’tout va bien,
Mais tous les matins,
T’as la tête dans l’foin ;
Pour te réveiller,
Pilules de café,
Dope toute la journée.
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Tes copains sont là,
Tu les épates a-
vec ton ventre plat ;
Mais franchement, dis-moi
Si ça valait ça,
D’en arriver là ?
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C’est en cours d’anglais,
La tension chutée,
Le monde a tourné ;
Tu t’es évanouie,
Hôpital et psy,
Ça valait ce gâchis ?
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D’autant que, en fait,
On est un paquet,
Des millions au moins
À aimer les seins,
Les déliés, les pleins,
Pas les planches à pain…
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Les hommes sont tracés
À l’équerre, au té,
Tous moches et carrés ;
Mais Dieu dessina
Les femmes au compas,
Et c’est bien comme ça.
(08/04)