Psychologie des déplacements
|Ça m’a frappé comme une évidence, tout à l’heure, en promenant dans la rue du côté de la place Saint-Michel (où personne ne parlait de Germaine avec des sanglots dans la voix, cependant). Je vous le livre tel quel :
“Le temps du déplacement est du temps perdu.”
En tout cas, pour un parisien. Le métro en est d’ailleurs le corollaire : passé la première fois, il devient vite vital de trouver quelque chose à faire en attendant sa station — bouquin, musique ou autre — tant il n’y a absolument rien à voir par les fenêtres. La ligne 6 fait bien exception, avec son large passage en surface de la Seine presque jusqu’à Montparnasse, mais dans l’ensemble, le métro se charge bien de faire passer le goût du déplacement.
Aussi, ne comptent réellement que le départ et l’arrivée. Ce qu’il y a entre est plus vécu comme un mal nécessaire que comme un événement en soi.
Cela explique la vitesse moyenne du piéton parisien — si vous voyez quelqu’un en train de flâner dans les rues, parlez-lui plutôt anglais — ; cela explique également pourquoi ils sont si nombreux à se trimballer en bagnole pour gagner cinq pauvres minutes, au risque de trois ulcères et huit crises cardiaques. Cela explique pourquoi il leur faut à tout prix monter dans cette voiture, celle-là, pas celle du train suivant, même si celui-ci est bondé et son successeur annoncé à seulement deux minutes.
Et surtout, du coup, j’ai mieux compris le comportement d’un parigot avec qui je suis parti en vacances il y a quelque temps. Des Alpes, et jusqu’en Bretagne. Et pour qui il était important de prendre l’autoroute, là, le plus vite possible, pour aller directement à Rennes, alors qu’en bon lecteur de Kerouac j’aurais plutôt eu tendance à faire des étapes de deux cents bornes par les petites routes, partant pour ma part du principe que le voyage est aussi intéressant que la destination.
Ça ne me rendra pas plus sympathiques les gens qui me bousculent pour me dépasser sur un trottoir bondé, mais au moins je comprends désormais pourquoi ils ont une case en moins et j’aurai moins envie de leur mettre une béquille pour leur apprendre.
Après tout, ils ne sont pas entièrement responsables des préceptes qu’on leur a foutus dans le crâne dès la naissance.