Dilemme
|Y’a des fois, dans la vie, on se crée des dilemmes à la con.
Y’a quelque temps, l’imposition sur le revenu me demandait 1400 €. Bon, je pleure pas, si je dois payer ça, c’est que j’ai gagné de la thune, ça me paraît plutôt normal. Néanmoins, il existe une réduction spécifique à ma profession, qui permet de décompter un montant ahurissant au titre de “frais d’emploi” — autrement dit, je suis journaliste, j’ai des frais spécifiques : payer des indics, graisser des pattes de videurs, louer des hôtels à la volée, tout ça. Mieux : la loi en question ne permet pas à l’administration de vérifier que cette déduction correspond effectivement à des frais existants.
Les rémunérations des journalistes, rédacteurs, photographes, directeurs de journaux et critiques dramatiques et musicaux perçues ès qualités constituent de telles allocations à concurrence de 7 650 euros. Toutefois, lorsque leur montant est fixé par voie législative, ces allocations sont toujours réputées utilisées conformément à leur objet et ne peuvent donner lieu à aucune vérification de la part de l’administration. (Code général des impôts, article 81, alinéa 1)
Vous saisissez le truc ? Payer des impôts parce que je gagne ma vie, rien à dire, c’est normal. “Pour l’entretien de la force publique, et pour les dépenses d’administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les Citoyens, en raison de leurs facultés”, comme disaient Champion de Cicé et Mirabeau.
Mais comme disait de son côté Didier Auriol : “la règle peut être stupide, faudrait être encore plus con pour ne pas en profiter”.¹ Me voilà donc remplissant un dossier pour les impôts, leur expliquant que tel abattement n’avait pas été pris en compte, tout ça.
Aujourd’hui, j’ai ça :
Euh, bon, okay, en décomptant l’abattement, je suis éligible à la prime pour l’emploi… Euh… Pas payer d’impôt, c’est une chose, toucher des sous de l’administration, c’en est une autre.
Du coup, mon petit débat intérieur du moment : encaisser ce chèque ou pas ? D’un côté, la loi dit que j’y ai droit, de l’autre, la morale est moins catégorique…
(Okay, je sais, y’a plein de gens qui aimeraient avoir des dilemmes comme ça.)
¹ Il parlait d’un délire de la FIA qui, à l’époque, avait décidé d’attribuer au championnat du monde des rallyes l’équivalent d’une quatrième place au vainqueur de… la seule dernière spéciale d’un rallye, et répondait aux journalistes qui lui demandaient pourquoi, quoique principal opposant à cette mesure, il s’était fait une spécialité de “dégoupiller” dans la dernière pour piocher les trois points promis.