Twitbook

Les réseaux sociaux, ça s’ap­pelle. Twit­ter, Face­book, des choses comme ça, où l’on se suit les uns les autres, où l’on s’en­voie des mes­sages, où l’on jette des bou­teilles à la mer. Où l’on reste, en tout cas, en contact vir­tuel avec les gens. Et qui, comme une ago­ra, bruissent, pulsent au rythme des gens qui y postent, entre calme domi­ni­cal et vagues d’ex­ci­ta­tion, selon l’actualité.

Au pas­sage, s’il est une qua­li­té vision­naire que je recon­nais aux Can­tos d’Hy­pé­rion (série de romans de Dan Sim­mons), c’est la des­crip­tion en 1989 des smart­phones (appe­lés “per­soc”) et du duo Inter­net / réseaux sociaux (“info­sphère”), avec ses “pul­sa­tions” régu­lières et son incroyable et inquié­tant silence quand on sort du Retz (qu’on se retrouve en zone blanche).

Or donc, ces temps-ci, le bruit de fond de Face­book, qui est le seul réseau social que j’u­ti­lise régu­liè­re­ment, c’est bien sûr les décou­vertes musi­cales des uns et des autres, la rou­geole de cer­tains, les cuites des jour­na­listes, tout ça. C’est sur­tout des vagues de tsu­na­mi ato­mique du côté du Japon et de casus bel­li onu­sien en Libye.

Là-dedans, il y a une per­tur­ba­tion du réseau. Voyez plutôt :

tweetbook

Ça, c’est gros­so modo mon accueil Face­book depuis une semaine. Tous les matins, je me retrouve face à ça, et je dois fouiller pour trou­ver le bruit de fond, les actua­li­tés et apho­rismes divers, qui font pour moi l’in­té­rêt de Face­book — que j’u­ti­lise comme réseau rela­tion­nel plus que comme réseau d’information.

Ça, c’est juste un acci­dent : l’in­ter­pé­né­tra­tion non maî­tri­sée entre deux réseaux. Face­book, fait pour des échanges ponc­tuels de trucs divers (liens, musiques, pen­sées du jour), se fait enva­hir par Twit­ter, fait pour des publi­ca­tions brèves et continues.

Un de mes contacts Face­book, ex-confrère pas­sé de l’autre côté de la bar­rière, est éga­le­ment uti­li­sa­teur de Twit­ter. Et réper­cute ses “tweets” sur Facebook.

D’or­di­naire, ce n’est guère gênant, puis­qu’il a ten­dance à uti­li­ser Twit­ter avec par­ci­mo­nie. Mais depuis l’ar­ri­vée d’une vague d’eau et de panique dans le pays de son employeur, il publie énor­mé­ment d’in­fos ponc­tuelles sur le Japon, ce qui est la rai­son d’être de Twit­ter : reprendre en temps réel et en ver­sion ultra-conden­sée les infor­ma­tions marquantes.

Le pro­blème, c’est qu’en l’es­pèce, sur une page Face­book, ça pour­rit tout. La dyna­mique de Face­book n’est pas la même. Face­book s’at­tache plus aux rela­tions diverses, moins au trans­fert ins­tan­ta­né de tout ce qui passe. Face­book s’ac­com­mode mieux de quelques publi­ca­tions par jour, ciblées, résu­mant l’en­semble de la jour­née, que d’une série de mes­sages ultra-brefs mais envahissants.

En prime, Twit­ter dis­pose d’ou­tils de clas­se­ments, les “re-tweets” (RT) d’autres uti­li­sa­teurs (@), et les tags per­met­tant de retrou­ver tous les tweets sur un sujet (#). Face­book, non — s’il dis­pose d’un outil de re-publi­ca­tion, il s’ap­pelle “via” et dis­pose d’une pré­sen­ta­tion spé­ci­fique. Résul­tats : les tweets réper­cu­tés sur Face­book sont assez illi­sibles, puisque por­tant les traces de mise en forme tweetesque.

Inter­con­nec­ter Face­book et Twit­ter n’est pas intrin­sè­que­ment une mau­vaise idée. Il s’a­git de deux réseaux dif­fé­rents, mais qui ont des points com­muns notam­ment dans leur but de par­tage d’in­for­ma­tions. C’est pour ça que je ne veux pas céder à la faci­li­té en choi­sis­sant de “mas­quer les publi­ca­tions de Luc” ou “mas­quer les publi­ca­tions de TweetDeck”.

Mais cette inter­con­nexion doit être maî­tri­sée. On ne peut pas réper­cu­ter tous ses tweets sur Face­book, sur­tout lors­qu’il s’a­git de “RT”, sans las­ser son audi­toire. Si les contacts Face­book sont sur Face­book et pas sur Twit­ter, c’est aus­si parce que le rythme de Twit­ter ne leur convient pas, et ce n’est pas en trans­for­mant leur page d’ac­tu en sous-Twit­ter bor­dé­lique qu’on va les convaincre de chan­ger d’avis.