Hollande, terreau du nazisme ?

Jacques Béhague, vous connaissez ?

C’est un char­mant membre de l’UMP, vice-pré­sident du conseil géné­ral des Hautes-Pyré­nées et élu du can­ton de Luz-Saint-Sauveur¹.

Cet homme a eu la déli­cate atten­tion de por­ter à la connais­sance du monde une vio­lente dia­tribe anti-Hol­lande signée “HDLyon”, accu­sant le can­di­dat socia­liste (ou soi-disant tel) d’ ”apo­lo­gie de la haine d’une popu­la­tion, celle des riches”, après qu’il a dit “je n’aime pas les riches, j’en conviens”.

Bon, au pas­sage, on note­ra que l’a­po­lo­gie de la haine est un délit défi­ni par la célèbre loi du 29 juillet 1881, fon­da­trice de la liber­té d’ex­pres­sion en France. Ini­tia­le­ment, ce délit ne concer­nait que la dif­fa­ma­tion, c’est-à-dire l’at­tri­bu­tion d’un fait — il est donc inap­pli­cable à Hol­lande, qui dit juste qu’il n’aime pas les riches : un goût per­son­nel ne consti­tue jamais la dif­fa­ma­tion. La loi a depuis été com­plé­tée pour punir l’a­po­lo­gie de crimes et, sur­tout, la “pro­vo­ca­tion à la dis­cri­mi­na­tion […] à rai­son de leur […] eth­nie, nation, race ou reli­gion”, “de leur sexe, de leur orien­ta­tion sexuelle ou de leur handicap“². La liste est limi­ta­tive et ne com­prend pas le sta­tut social par­mi les cri­tères consti­tuant le délit : Hol­lande est tran­quille sur le plan judiciaire.

Bien, reste la morale : Fran­çois Hol­lande n’aime pas les riches, c’est mal. Évi­tons de deman­der naï­ve­ment “pour­quoi c’est mal ?” (après tout, il n’y que deux façons d’être riche, héri­ter ou construire sa for­tune ; on peut ne pas aimer les héri­tiers, qui sont riches sans aucun mérite per­son­nel, et les self-made-men, qui réus­sissent là où tant d’autres échouent et concentrent ain­si les jalou­sies) ; non, par­tons du prin­cipe que ne pas aimer les riches, c’est mal³.

Cela jus­ti­fie-t-il la com­pa­rai­son employée dans ce superbe billet de blog :

Cette haine des riches a déjà été déve­lop­pée par Adolf HITLER au tra­vers des juifs.

Je crois hum­ble­ment qu’il était dif­fi­cile de faire rac­cour­ci plus pro­fon­dé­ment stupide.

Hit­ler a construit une haine des Juifs, certes. Leur sup­po­sée richesse était au cœur de sa haine, certes. Mais il n’y avait pas que la richesse : il y avait la race, les Juifs étant chez lui qua­li­fiés de sous-hommes. Au delà de la jalou­sie due à la simple richesse, Hit­ler nour­ris­sait un sen­ti­ment d’in­jus­tice, ces “sous-hommes” ayant plus que les méri­tants “Aryens”. Une bonne dose de para­noïa s’y mêlait, convain­cu qu’il était que les Juifs for­maient un gigan­tesque com­plot anti-ger­ma­nique visant à métis­ser la race aryenne.

Il n’y pas, chez Hol­lande, de notion de race de riches à éli­mi­ner, non plus que de com­plot des riches contre la France. Tout au plus sont-ils accu­sés, et encore est-ce en fili­grane, de pro­fi­ter d’une part indue de la richesse natio­nale et de cher­cher à échap­per à l’é­ga­li­té devant l’impôt.

Il y a aus­si une autre dif­fé­rence fondamentale.

Une petite dif­fé­rence toute bête.

Hit­ler haïs­sait les Juifs (et les Tzi­ganes, et d’autres) au point de pla­ni­fier et mettre en place leur éli­mi­na­tion phy­sique et immédiate.

Hol­lande a dit qu’il n’ai­mait pas les riches, mais n’a rien pla­ni­fié contre eux à part une hausse des plus hautes tranches d’im­po­si­tion. Il ne sou­haite pas les inci­ter à émi­grer, mais les laisse libres de le faire s’ils le sou­haitent, ce qui n’est pas la même chose.

D’ailleurs, ce n’est même pas lui qui veut atta­quer les riches s’exi­lant à l’é­tran­ger pour pro­fi­ter d’un régime fis­cal plus favo­rable : c’est une mesure prô­née récem­ment par Nico­las Sar­ko­zy, can­di­dat de l’UMP, qui n’a été que copiée par le PS. Doit-on en conclure que Sar­ko­zy déteste les riches émi­grants au point de les pour­suivre par delà les fron­tières, alors même que le néo-nazi Hol­lande se conten­te­rait de les lais­ser vivre ailleurs ?

Le truc vrai­ment triste, c’est que j’ai tout de même décou­vert à cette occa­sion un vrai motif pour aller démon­ter Hol­lande : une décla­ra­tion qui, si elle avait été pro­non­cée par un Hor­te­feux ou un Guéant, lui aurait valu des accu­sa­tions de nazisme de la part du PS.

C’é­tait dans Dimanche+, le 12 février der­nier, et je suis sur­pris que cette décla­ra­tion n’ait pas alors fait plus de bruit :

L’o­ri­gine du mal […] c’est euh, de ne pas avoir fixé une règle euro­péenne pour, jus­te­ment, gar­der cette popu­la­tion là où elle est, où elle doit vivre : en Rou­ma­nie. […] Il y a eu une déci­sion très mal­en­con­treuse […] qui a été de dire : cette popu­la­tion peut sor­tir de Rou­ma­nie mais elle ne peut s’ins­tal­ler nulle part. […] D’a­bord, des règles euro­péennes pour évi­ter que nous recon­nais­sions euh, cette cir­cu­la­tion euh, encore et encore. Ensuite, qu’il y ait des camps qui puissent être euh, ceux de, de de de, notre propre euh, déci­sion ; c’est-à-dire évi­ter que ces popu­la­tions-là s’ins­tallent n’im­porte où.

Il y a, déjà, pour com­men­cer, cette conne­rie fon­da­men­tale, d’au­tant plus impar­don­nable qu’elle n’a jamais été par­don­née par la gauche à Hor­te­feux : la confu­sion entre Roms et Rou­mains. Non, mon­sieur Hol­lande, tête de con, les Roms ne doivent pas vivre en Rou­ma­nie. Les Roms, dans votre ima­gi­naire limi­té qui refuse les mou­ve­ments de popu­la­tions, doivent vivre en Inde, puisque c’est de là qu’il ont com­men­cé à migrer il y a un bon millénaire.

Ensuite, il y a là un vrai trait de racisme. Rap­pe­lons que la liber­té de cir­cu­la­tion est un des prin­cipes fon­da­teurs de l’U­nion euro­péenne, et plus par­ti­cu­liè­re­ment de l’es­pace Schen­gen. Le dis­cours de Hol­lande crée donc deux classes de citoyens euro­péens : les nor­maux, qui ont le droit de voya­ger libre­ment, et les Roms, qui devraient res­ter en Rou­ma­nie (pour une rai­son dif­fi­cile à com­prendre, puis­qu’ils ne sont pas ori­gi­naires de cette région et y sont aus­si per­sé­cu­tés qu’ailleurs).

Pis, il nie une res­pon­sa­bi­li­té fon­da­men­tale des États : orga­ni­ser l’ac­cueil de tous les citoyens en tout lieu où ils déci­de­raient de vivre. Si cer­taines popu­la­tions décident de mener une vie nomade, c’est leur droit le plus strict ; ça ne s’ap­plique d’ailleurs pas qu’aux Roms, mais aus­si aux gens de cirque, aux tra­vailleurs iti­né­rants ou sai­son­niers, voire aux pro­fes­seurs titu­laires rem­pla­çants. En France, les com­munes ont une res­pon­sa­bi­li­té de pré­voir et entre­te­nir des ter­rains d’ac­cueil pour les nomades, les­quels ont en contre­par­tie l’o­bli­ga­tion de res­pec­ter les condi­tions d’ac­cueil — payer leur eau, leur élec­tri­ci­té, leur taxe d’ha­bi­ta­tion par exemple.

Mais pour Mon­sieur Hol­lande, il ne faut pas qu’il y ait des ter­rains d’ac­cueil un peu par­tout per­met­tant aux gens voya­geant libre­ment de se poser où ils veulent. Il sou­haite des camps aux empla­ce­ments déci­dés par les auto­ri­tés, sans donc que les popu­la­tions concer­nées soient consul­tées, un comble pour un soi-disant démocrate !

Et ce, bien sûr, uni­que­ment pour les Roms, pas pour les autres nomades.

Mon­sieur Hol­lande, sur ce coup-là, vous méri­tez par­fai­te­ment un prix Hor­te­feux-le Pen. J’es­père que vous ne lui ferez pas honneur.

¹ Et, au pas­sage, un piètre typo­graphe, puis­qu’il met des majus­cules à “vice-pré­sident” mais n’en met point au “saint” de Luz-Saint-Sauveur.

² Loi du 30 décembre 2004 modi­fiant les articles 23, 24 et 24 bis de la loi du 29 juillet 1881.

³ Je suis assez d’ac­cord, d’ailleurs. Si ce n’est pas “mal”, c’est au moins très con : tous les riches ne le font pas mécham­ment. Fer­ré par exemple expli­quait qu’il était riche parce que des gens ache­taient ses disques et venaient le voir en spec­tacle, qu’il n’a­vait jamais obli­gé per­sonne à lui don­ner ain­si de l’argent et qu’il était riche par accident.