Huffington Post et Formule 1

En cher­chant un peu de doc pour ma cri­tique de Rush, je suis tom­bé sur cet article du Hunf­fing­ton Post. J’ai pas grand-chose à dire sur l’ar­ticle, qui est ordi­nai­re­ment mau­vais : il prend le film pour argent comp­tant, oubliant par exemple de signa­ler que Hunt et Lau­da n’ont jamais été oppo­sés en For­mule 3 (Lau­da a emprun­té de l’argent pour com­men­cer direc­te­ment en F2), ou ratant com­plè­te­ment le détail qu’en 76, la ques­tion de qui serait cham­pion avant l’autre était défi­ni­ti­ve­ment réglée, puisque Lau­da était cham­pion en titre.

En revanche, j’ai été par­ti­cu­liè­re­ment cho­qué par la sélec­tion finale, “les pires acci­dents de F1”. Bon, déjà, à part pour sur­fer sur les mor­bides recherches “acci­dents F1” et remon­ter dans Google, je vois pas l’in­té­rêt de cet ajout ; mais la sélec­tion elle-même me paraît for­te­ment discutable.

Com­men­cer par la mort de William­son est inévi­table, elle a tous les ingré­dients de la grande tra­gé­die : la vic­time consciente et brû­lée vive, le héros soli­taire qui tente tout mais n’ar­rive pas à la sau­ver, tout ça. Celle de Vil­le­neuve est extrê­me­ment spec­ta­cu­laire et est inter­ve­nue dans un contexte extrê­me­ment ten­du où la sécu­ri­té des “wing cars” était for­te­ment remise en question.

Mais qu’est-ce qui jus­ti­fie de mettre l’ac­ci­dent de Schu­ma­cher en troi­sième posi­tion ? Il est arri­vé tout droit dans un mur de pneus, la sor­tie n’est ni spec­ta­cu­laire ni his­to­ri­que­ment signi­fi­ca­tive, et pour res­ter dans les jambes cas­sées l’ac­ci­dent de Pan­is à Mont­réal a eu beau­coup plus d’im­por­tance (c’est lui qui a démon­tré par l’exemple qu’un mur de pneus, très effi­cace au bout d’un virage, est plus dan­ge­reux qu’une glis­sière en sor­tie de chicane).

Selon moi, les pires acci­dents sont avant tout les plus cons et les plus faciles à évi­ter, et à ce jeu-là Tom Pryce reste imbat­table (tué par l’ex­tinc­teur d’un com­mis­saire qui tra­ver­sait la piste sans regar­der). Ron­nie Peter­son a fait très fort aus­si : les secou­ristes ont mis vingt minutes à arri­ver, puis se sont occu­pés en prio­ri­té de Bram­billa, griè­ve­ment tou­ché à la tête alors que Peter­son n’a­vait “que” des frac­tures des jambes ; opé­ré tar­di­ve­ment, il est mort par embo­lie. Sans y être res­té, Phi­lippe Streiff dit lui-même que l’ac­ci­dent dont il sor­tit tétra­plé­gique était par­ti­cu­liè­re­ment stu­pide, la concep­tion de l’ar­ceau le ren­dant inca­pable de résis­ter à un crash sur le toit. Et il fau­drait signa­ler les vic­times de l’ob­ses­sion de l’al­lè­ge­ment de Colin Chap­man, en par­ti­cu­lier l’ac­ci­dent de Rindt à Mont­juïc en 69, sur­ve­nu quelques minutes après, exac­te­ment au même endroit et exac­te­ment pour la même rup­ture d’ai­le­ron que celui de Hill sur l’autre Lotus.

Si l’on compte, plus tri­via­le­ment, par nombre de vic­times, le pire acci­dent de l’his­toire de la F1 reste à ma connais­sance l’ac­ci­dent de von Trips à Mon­za en 61, où le pilote et qua­torze spec­ta­teurs sont tués.

Bref, des acci­dents bien pires que l’ar­ri­vée dans les pneus de Schu­ma­cher, la For­mule 1 n’en manque hélas pas. La seule chose qui puisse expli­quer son inclu­sion, c’est la recherche d’un mot-clef encore uti­li­sé (“schu­ma­cher” doit sor­tir plus sou­vent que “von trips” ou “pryce”), encore une fois pour remon­ter chez Google.

Et ça, ça n’a rien à voir avec du journalisme.