Bien meuble
|30 millions d’amis veut créer un régime juridique spécifique pour les animaux. France 3 nous dit donc qu’un chien et une chaise sont considérés de la même manière par la Loi (je prends cet exemple parce que c’est celui que je viens d’entendre, mais une bonne part de la presse semble tenir à peu près le même propos).
Autant je n’attends aucune rigueur de la part de gens pour qui les animaux sont si mignons et tellement gentils sauf les moustiques bien sûr (la cohérence intellectuelle a des limites), autant j’apprécierais que mes cons frères se renseignent un peu avant de reprendre leurs âneries.
Un chien et une chaise n’ont pas le même régime juridique. Leur seul point commun est d’être des biens meubles dans le Code civil, ce qui veut dire qu’ils peuvent avoir un propriétaire et se déplacer. Bien sûr, il y a des cas auxquels le législateur n’a pas pensé (essayez de déplacer un corail, tiens [MàJ : je suis mauvaise langue, en fait, le corail est un bien immeuble rattaché à la zone aquatique à laquelle il est fixé]), mais il y a des différences fondamentales entre les animaux et les autres biens meubles, dont une qui change tout : on ne peut pas traiter un animal comme on le souhaite.
Tout tient en une poignée d’articles des codes rural et pénal. Ah oui : tout n’est pas dans le Code civil, qui classe les animaux parmi les biens juste histoire de dire qu’ils peuvent appartenir à quelqu’un, sans qu’il y ait le moindre jugement de valeur là-dedans.
Pour le Code rural, l’article L214 indique qu’un animal ne peut être détenu que conformément aux impératifs biologiques de son espèce. Pour le Code pénal, les R653, R654 et R655 disent que blesser ou tuer accidentellement un animal domestique, apprivoisé ou détenu en captivité est une contravention de 3è classe, que le maltraiter est une contravention de 4è classe et que le tuer est une contravention de 5è classe ; le 521–1 dit pour sa part que les sévices graves et les actes de cruauté envers un animal domestique, apprivoisé ou capturé sont passibles de deux ans de prison et de 30 000 € d’amende.
On peut trouver ces peines trop légères, ou s’étonner que les animaux sauvages pris dans leur milieu naturel ne soient pas concernés (bien tiens, on va pas remettre en cause la chasse de loisir), ou encore vouloir faire évoluer le régime juridique des animaux, mais on ne peut décemment pas affirmer que les animaux et le mobilier ont le même régime juridique. Ou alors, il faudra me citer l’article de loi ou de règlement qui réprime le fait de tuer volontairement une chaise ou de détenir une table dans un environnement incompatible avec ses besoins biologiques.
Rares sont mes confrères qui ont souligné cet état de droit ; la plupart se sont contentés de reprendre les revendications de 30 millions d’amis, en s’arrêtant au Code civil et sans se demander une seconde ce que voulait dire “bien meuble”.
Et bien, là, tout à fait entre nous, que tous ces soi-disant journalistes reprennent l’antienne de 30 millions d’amis sans le moindre esprit critique, je trouve ça absolument scandaleux.