Première mondiale
|Aujourd’hui, le groupe Airbus a présenté le prototype de son premier avion électrique destiné à être produit en série (qui vole depuis plus d’un mois).
Voici ce que France 2 a trouvé à en dire (aller à 30:03 pour le début du reportage) :
Sous ses airs de maquette pour grands enfants, l’E-fan est propulsé uniquement grâce à de l’électricité, une première mondiale.
Bon, j’ai sérieusement manqué d’air pendant vingt minutes, mais ce qu’il m’en reste, je vais le souffler dans les bronches de Julien Duperray et Matthias Second, mes honorables confrères qui ont signé cette horreur.
Ces deux individus auraient pu, voire auraient dû (après tout, c’est leur métier), faire un truc tout simple : taper “avion électrique” dans Google. Je veux pas donner des leçons de vérification des sources, mais là, on n’est même pas au B‑A-BA du journalisme, c’est le niveau encore avant.
Quand on tape “avion électrique” dans Google, qu’est-ce qu’on apprend ? Ben on tombe tout droit là-dessus, où l’on lit que le premier vol d’un avion électrique a eu lieu le 23 décembre 2007, avec l’Electravia BL1E Electra. Mieux : c’était déjà un avion français. On y lit que Solar Impulse a déjà fait des vols de 18h, non seulement avec une propulsion intégralement électrique, mais grâce à une alimentation solaire. On y lit que les avions électriques sont tellement pas nouveaux qu’il y a même des records de vitesse, régulièrement battus.
En fait, cette page Wikipédia est, en plus, exemplaire de pourquoi il faut se méfier de Wikipédia : elle oublie tous les avions électriques construits à partir de planeurs modifiés. Le premier appareil à motorisation électrique ayant décollé avec un pilote à bord était ainsi un motoplaneur autrichien Brditschka HB‑3 dont le Rotax avait été remplacé par un Bosch de 13 chevaux, qui a volé le 23 octobre… 1973. Oui, il y a plus de quarante ans !
Le fait est que ces appareils étaient des prototypes uniques. La nouveauté du E‑fan, c’est qu’il est destiné à être produit en série, si tout va bien sous trois ans. Il est également possible que ce soit le premier biplace électrique à voler, je manque de sources sur ce point. Mais il est tout simplement mensonger de qualifier de “première mondiale” le fait qu’un avion soit propulsé électriquement.
Le pire, c’est qu’il est extrêmement facile de voir voler des avions électriques quand on est journaliste. Il suffit de mettre les pieds à la Ferté-Alais, au Bourget ou à n’importe quel meeting où la carte de presse permet de rentrer : Hugues Duval, qui je crois a toujours le record de vitesse en avion électrique avec son Cri-Cri bimoteur pointé à plus de 280 km/h, montre son bébé (ci-dessus, au Bourget en 2011) dès qu’il en a l’occasion — soit en décollant lui-même, soit en l’accrochant sur un Broussard pour rigoler comme ci-dessous.
Je rappelle au passage que la charte de Munich stipule que la sixième obligation d’un journaliste est de “rectifier toute information publiée qui se révèle inexacte”. J’attends donc l’erratum au 20h de demain soir.
Au passage : Julien Duperray et Matthias Second sont évidemment bienvenus s’ils souhaitent répondre. J’ai aussi au moins deux potes qui connaissent Hugues Duval, au cas où ils voudraient lui demander ce que ça fait d’avoir eu quatre ans d’avance sur une “première mondiale”.