A letter home

WTF de Neil Young, 2014

One of these days, I’m gon­na sit down and write a long let­ter to all the good friends I’ve known.

Neil Young aura mis deux décen­nies, mais il a écrit sa lettre. Enfin, il a plu­tôt repris les mots de vieux amis pour les assem­bler. Et le résul­tat est, com­ment dire… Particulier.

A letter homeJe recon­nais une grande qua­li­té à Neil Young : il n’a jamais fait dans la mono­to­nie. Rust never sleeps n’a rien à voir avec Har­vest, ses tour­nées avec Cra­zy Horse sont bien dif­fé­rentes de ses concerts avec Cros­by, Stil­ls & Nash, et il a lui-même four­ni des orches­tra­tions variées de la même chan­son — Hey hey, my my existe par exemple en acous­tique gui­tare-har­mo­ni­ca façon fol­keux de base aus­si bien qu’en gros bour­rin satu­ré style hard rock. Et ça, ça m’a frap­pé alors que je suis très loin d’a­voir explo­ré toute sa discographie.

De là à enre­gis­trer un album sur du maté­riel des années 40 enfer­mé dans une cabine télé­pho­nique, j’a­voue res­ter dubi­ta­tif. Le côté nasal de la voix de Young est du coup pous­sé vers le nasillard, voire le pleur­ni­chard, et le son donne vague­ment l’im­pres­sion d’être écrê­té ou dis­tor­du par acci­dent. Ça peut pas­ser pour cer­tains mor­ceaux (Changes par exemple est plus fran­che­ment triste ici que chez Phil Ochs, mais a une tona­li­té qui lui va pas trop mal), mais pour d’autres ça vire au mas­sacre. On the road again est un pathé­tique exemple des limites de la tech­nique : l’har­mo­ni­ca et la gui­tare se montent des­sus dès l’in­tro­duc­tion et quand Jack White ramène son pia­no, on a l’im­pres­sion d’être face au mau­vais groupe d’un bis­trot à poi­vrots, qui joue en auto­ma­tique des mor­ceaux dont il n’a rien à foutre — et c’est d’au­tant plus dom­mage que cette chan­son parle pré­ci­sé­ment du plai­sir de jouer de la musique avec des amis. Girl from the north coun­try est aus­si l’oc­ca­sion de voir une rare per­for­mance vocale : oui, il est pos­sible de chan­ter plus mal et d’ar­ti­cu­ler moins que le père Dylan. J’au­rai au moins enten­du ça une fois dans ma vie.

Bon, d’un côté, je peux pas en même temps louer Young pour sa capa­ci­té à expé­ri­men­ter des styles dif­fé­rents et lui repro­cher d’a­voir vou­lu voir ce que ça don­nait de faire un disque avec sa gui­tare, son har­mo­ni­ca et un Voice-O-Graph de 1947.

Mais d’un autre côté, si A let­ter home “libère l’es­sence de quelque chose qui aurait pu dis­pa­raître à jamais”, c’est sur­tout un disque qui aurait dis­pa­raître à jamais.