I see a journalist and want it painted black

noir_nytNom. Di. Dju.

J’ai fait une cap­ture d’é­cran, parce que mon petit doigt me dit que sur ce coup-là, il n’est pas exclu que Libé change son titre dans les heures qui viennent. Si vous vou­lez lire l’ar­ticle com­plet, il est ici.

Regar­dez bien le cha­pô. Je vous le cite :

Dean Baquet avait été ren­voyé du Los Angeles Times pour avoir sou­te­nu ses jour­na­listes. Il a reçu un prix Pulit­zer quand il était au Chi­ca­go Tri­bune.

Voi­là donc, dirait-on, en quoi le nou­veau boss du New York Times, un des prin­ci­paux quo­ti­diens outre-Atlan­tique, est remar­quable. Il est connu comme un mec de carac­tère, res­pec­té voire appré­cié de ses rédac­tions, et capable de s’op­po­ser à une com­pres­sion d’ef­fec­tifs jus­qu’à prendre la porte. Et son tra­vail a été recon­nu par ce qui est pour la presse l’é­qui­valent d’un prix Nobel, le comi­té des Pulit­zer l’ayant pri­mé avec deux cama­rades “pour leur des­crip­tion détaillée de l’in­di­vi­dua­lisme et du gâchis qui empoi­sonnent le Conseil com­mu­nal de Chi­ca­go” en 1988 — et il fut à nou­veau fina­liste en 1994, avec Jane Fritsch, “pour leur enquête qui a révé­lé la fraude coû­teuse et la mau­vaise ges­tion empes­tant […] le plus grand assu­reur mutua­liste américain”.

Autre­ment dit, a prio­ri, pas un branque. Voire fran­che­ment un cador, et une sacrée bonne nou­velle à un moment où on voit des mar­ke­teux prendre la tête de groupes de presse pour “déve­lop­per la marque”.

Main­te­nant, regar­dez le titre.

Un Noir pour la pre­mière fois à la tête du New York Times

Voi­là, si on ne retient qu’une chose, c’est ça : cet homme a la peau plus sombre que les dents.

L’ar­ticle est une dépêche AFP. S’il y a un truc que les jour­naux per­son­na­lisent quand même un peu quand ils font des copier-col­ler de l’AFP, c’est le titre. Pour Le Point, c’est donc “Qui est Dean Baquet, le nou­veau chef du ‘New York Times’ ?” Pour L’Ex­pan­sion, c’est déjà plus ten­dan­cieux : “Dean Baquet devient le pre­mier Noir à diri­ger la rédac­tion du New York Times”.

Mais pour Libé, il n’a même plus de nom, juste une cou­leur. C’est sa qua­li­té cen­trale, son essence prin­ci­pale. Il n’est pas jour­na­liste depuis plus de trois décen­nies, il n’est pas titu­laire de la plus haute dis­tinc­tion du jour­na­lisme amé­ri­cain, il n’est pas un ancien ponte du L.A. Times sac­qué pour avoir vou­lu pro­té­ger sa rédac­tion — ce qui devrait pour­tant par­ler aux gens de Libé dans le contexte actuel… —, il n’est même pas Dean Baquet.

Non, il est Noir. Juste ça. Le reste, c’est pas impor­tant, en tout cas pas assez pour faire le titre.

Ou alors, c’est pire : le type qui a fait le titre a pen­sé que ce serait celui qui accro­che­rait le mieux les lec­teurs. Et à ce moment-là, c’est car­ré­ment à la gueule de ceux-ci que Libé crache, en les pre­nant pour des gros blai­reaux plus atta­chés à la cou­leur d’un direc­teur de rédac­tion qu’à son rôle ou son par­cours, comme à l’é­poque où quelques gros cons racistes repro­chaient à TF1 d’a­voir nom­mé Har­ry Rosel­mack au 20h.

Fran­che­ment, j’en ai marre de taper sur Libé ces temps-ci. Mais putain, je suis vrai­ment révol­té par la conne­rie de gens qui peuvent faire des titres pareils et encore oser cla­mer “nous sommes un journal”.

Si vous êtes un jour­nal, tas de merdes puantes, arrê­tez de voir le monde selon des axes qu’on trou­ve­rait nau­séa­bonds même dans un caniveau.