Ð

Quelques jours après la presse écrite, la télé a enfin réagi. Voi­ci donc le sujet du jour :

Bárðar­bun­ga.

Com­ment vous pro­non­cez ça ?

Je veux bien que vous vous posiez pas la ques­tion des dia­cri­tiques (ça change trop d’une langue à l’autre) et que vous pro­non­ciez le pre­mier ‘a’ comme les deux autres.

Mais quand même, me dites pas que ‘ð’, dans votre esprit, ça res­semble à ‘d’ ? Si ? Vous avez vu votre ocu­liste récemment ?

Je vous donne un indice : la lettre ð (et sa majus­cule Ð), dans cer­taines trans­crip­tions clas­siques, est rem­pla­cée par “dh”. Faites le fils natu­rel d’un d et du “th” dur anglais…

Fond : image Nasa
Fond : image Nasa

Je vous donne un deuxième indice : en alpha­bet pho­né­tique inter­na­tio­nal, ð trans­crit la consonne fri­ca­tive den­tale voi­sée. Autre­ment dit : le bout de la langue au bout des dents, vous faites une petite tur­bu­lence en fai­sant vibrer les cordes vocales.

Vous avez fait l’es­sai ? Vous êtes tom­bé sur le “th” doux anglais ? Nor­mal. L’is­lan­dais est une des rares langues à encore faire la dif­fé­rence entre le “th” dur (noté ‘þ’, celui de thick ou throne, que votre prof d’an­glais a dû vous décrire comme “un s avec la langue entre les dents”) et le “th” doux (noté ‘ð’, celui de the, them ou that, le fameux “z avec la langue entre les dents”).

Au pas­sage, “a accent aigu”, en islan­dais, c’est une diph­tongue “ao”. Ajou­tons que cer­tains islan­dais ont ten­dance à faire des consonnes dé-voi­sées quand ils parlent vite, et vous savez tout : baor­zar-boun­ga ou paor­zar-poun­ka, avec un che­veu sur la langue. Si vous savez faire, ajou­tez un ‘r’ bien rou­lé pour faire rude viking : après tout, Gnú­pa-Bárður, qui a don­né son nom à cette bosse, était un colon scandinave.

Donc, quand j’en­tends /bardarbyɲga/ ou /bardarbuɲga/ (comme ici chez iTé­lé, qui a pour­tant fait l’ef­fort de pro­po­ser un plu­tôt cor­rect “éya fiat­la yeu­ku­teul” en fin de vidéo), je me dis que j’ai un confrère qui a besoin de lunettes.

Ou qui manque sin­gu­liè­re­ment de curio­si­té, mais un jour­na­liste est for­cé­ment curieux, n’est-ce pas ?

(Au pas­sage, comme à l’é­poque de l’é­rup­tion du Grím­svötn, les Islan­dais ont eu pitié du reste du monde et ont spé­cia­le­ment publié des vidéos pour aider à pro­non­cer Bárðar­bun­ga cor­rec­te­ment, his­toire d’é­vi­ter “un autre désastre Eyjaf­jal­la­jö­kull”. Pas les avoir écou­tées, quand on a pour métier d’in­for­mer les gens à la télé ou à la radio, ça confine donc à la faute professionnelle.)