La grande présélection
|Il y a quelques jours, je vous expliquai comment les partis politiques, théoriquement chargés de promouvoir les idées et de faire élire les citoyens les mieux à même de les appliquer, s’étaient transformés en outils d’usurpation du pouvoir par une clique de dirigeants de partis sélectionnés sur leur capacité à séduire leur militants, quittes à déplaire à l’ensemble des citoyens.
(Je m’aperçois en passant que j’ai oublié de définir “militants”. Les militants, ce sont les citoyens activement engagés au sein d’un parti, ceux qui passent leur temps à envoyer aux élections les mêmes candidats que les autres citoyens ne supportent déjà plus depuis longtemps. Là comme ça, on pourrait croire que je considère les militants comme des imbéciles incapables de voir plus loin que leur propre parti et susceptibles de se faire séduire par n’importe lequel de leurs dirigeants malgré des carences patentes ; pour être honnête, on n’aurait pas tort. Oui, je vais refermer cette parenthèse, voilà : ).
Il fallait donc, disais-je en conclusion, un nouvel outil. Un outil qui permette aux citoyens, au moins à ceux qui en ont marre d’élire toujours les mêmes qu’ils n’ont jamais choisi, d’avoir enfin leurs propres candidats, qui ne soient pas sélectionnés par le cadre strict d’un parti politique.
Par le passé, certains partis ont prétendu mettre fin à cette reproduction en vase clos. Un exemple emblématique : en 2011, le Parti socialiste et le Parti radical de gauche ont décidé d’organiser une “primaire citoyenne”. Citoyenne, c’est-à-dire que tous les gens se prévalant d’idées proches de celles du PS et/ou du PRG pouvaient y voter. En principe, n’importe quel candidat capable de convaincre socialistes, radicaux, communistes, écologistes, voire trotskystes et démocrates aurait pu se présenter et les représenter à l’élection présidentielle.
Bonne idée sur le papier, cette primaire n’a en fait que déplacé au sein du parti le phénomène habituel à l’extérieur : les six candidats présents étaient, pour cinq d’entre eux, des dirigeants du parti socialiste, intégrés de longue date à l’appareil du parti. Il faut dire qu’une petite subtilité s’était glissée dans la sélection des candidats : ils devaient réunir des parrainages d’élus… socialistes. Sans blague.
Résultat : l’unique “candidat d’ouverture”, que nous pourrions appeler “alibi” tant il a souffert (0,64 % des voix !), s’appelait Jean-Michel Baylet et il était difficile de lui prêter un air de nouveauté : il faisait partie des membres fondateurs du Mouvement des radicaux de gauche dès 1973. En réalité, ceux qui, au sein du “peuple de gauche”, en avaient marre de l’omniprésence de la poignée de mêmes dirigeants du Parti socialiste, n’ont eu que leurs yeux pour pleurer : la primaire “citoyenne” s’est jouée entre deux vieux roublards liés au PS depuis 1974 (Aubry directement, Hollande via un comité de soutien à Mitterrand), qui ont réuni 70 % des voix !
Cette prétendue ouverture citoyenne n’était donc qu’un jet de poudre aux yeux visant à donner aux citoyens l’illusion que le PS s’intéressait à leur opinion, dans un scrutin en fait aussi efficacement verrouillé que dans l’URSS de Krouchtchev. Oui, je suis très énervé : je suis membre du “peuple de gauche” depuis très longtemps et ma préférence aurait été à Hollande dans bien des cas (face aux cinq autres, mais aussi face à Mélenchon, Fabius, Strauss-Kahn, Bayrou, Besancenot, Chevènement, Buffet…), donc cette élection aurait dû me réjouir ; l’organisation centrée sur un PS omnipotent a toutefois réussi à me donner l’impression de m’être vaguement fait avoir !
Ma conclusion, c’est que les élections primaires portées par un parti, même “citoyennes” ou “ouvertes”, ne sont pas efficaces pour permettre aux citoyens de faire émerger de nouveaux candidats. Pour cela, il faut donc viser plus large et sortir purement et simplement du cadre des partis. C’est le but de La Primaire, un projet de sélection d’un candidat par des méthodes différentes de l’organisation pyramidale et partisane des partis traditionnels.
Son principe : prendre tous les petits bonshommes en noir (et aussi les verts, les roses, les rouges, les violets, les bleus, voire les bruns, bref, autant de citoyens que possible) pour proposer un nouveau système d’élection primaire et envoyer à l’élection un candidat qui ne soit pas issu d’un entre-soi soigneusement présélectionné par les partis. Autrement dit : faire en vrai ce que le PS a fait semblant de faire en 2011.