Traquemage : le serment des pécadous
|de Lupano et Relom, 2015, ****
Lanfeust, fondamentalement, est un crétin : c’est un type, tu lui dis d’aller sauver le monde, il y va. C’est à peu près il me semble ce qu’Arleston disait de son personnage fétiche il y a déjà quelques années. Et bien Pistolin, c’est pire : sans qu’on lui demande rien, il s’est foutu en tête de sauver le monde. Avec sa bonne volonté, sa naïveté de grand crétin des Alpes, sa besace et Myrtille, dernière survivante de son troupeau de cornebiques, le voilà parti pour zigouiller les mages, ces créatures qui lèvent des armées et ravagent la planète.
Imaginez une seconde que Lanfeust de Troy rencontre Le génie des alpages, et vous aurez une idée du fond du propos. Je vois venir certains esprits cyniques, qui pourraient du coup douter de la véracité de certaines anecdotes ou même du sérieux général du récit ; à ceux-là, nous conseillerons de relire Proust et d’arrêter de nous péter les burnes. Car la rural fantasy n’est pas un genre qui se donne à tout le monde, et il faut savoir l’apprécier — de la même manière qu’un pécadou, ce délicieux fromage d’alpage issu du lait de cornebique, ne se laisse pas savourer par le bête gosier d’un citadin aléatoire.
Au scénario comme au dessin, l’élégance est particulière et la beauté ne flatte que l’œil de l’esthète averti. Les personnages de Relom peuvent paraître vaguement difformes, mais c’est parce qu’ils sont expressifs, et le graphisme détourne en permanence les codes de l’heroic fantasy ; ça tombe bien, c’est exactement ce que fait l’histoire, qui est un peu au Seigneur des anneaux ce qu’une biture de bistrot est à une dégustation de scotchs — le fond est le même, mais c’est plus populaire et bougrement plus marrant.
L’ensemble ne vole pas haut, mais c’est sacrément drôle, bourré de petits détails et de références, et pour quelqu’un qui a grandi dans la région du picodon, même l’oreille est séduite.