Victoire du GOP
|J’ai entendu plusieurs fois, aujourd’hui, des arguments du genre :
Ouais mais en fait, le président des États-Unis, il a pas tant de pouvoir que ça.
Certes.
J’ai tout de même une remarque : les élections présidentielles ne sont pas l’élément important de l’actualité. Elles ne sont qu’une partie des élections américaines d’hier, le processus étasunien fusionnant plusieurs événements aussi bien au niveau des comtés et des États qu’au niveau fédéral.
Ce qu’il faut retenir, ça n’est pas la victoire de Trump (enfin si, mais pas que).
Le 20 janvier, le Parti républicain (ou Grand Old Party, GOP pour les intimes) n’aura pas seulement un président pioché dans son aile droite. Il aura aussi un gouvernement fédéral et une bonne part des gouvernements des États (dont bien des poids lourds : hormis la côte Ouest, l’Illinois et New York, le parti démocrate n’a pas gardé des masses d’États très importants).
Il aura aussi, et c’est au moins aussi important, la Chambre des représentants et le Sénat, autrement dit l’ensemble du pouvoir législatif fédéral. Du coup, il va très certainement avoir une très large liberté en matière de politique économique et sociale. Vous pouvez compter les jours de l’Obamacare : ça ne va peut-être pas durer.
Sur le plan financier, notons que la direction de la Réserve fédérale est toujours un grand mystère (deux de ses sept sièges de gouverneurs sont vacants). Elle ne va peut-être pas signer un blanc-seing aux idées de Trump. Cependant, elle suivra sans doute sans problème les décisions du Congrès, et celui-ci est pour deux ans au moins complètement aux mains du GOP.
La grande oubliée
Et surtout, il y a la question que beaucoup oublient (en tout cas sur France 3, Franceinfo, TF1 et Facebook). Depuis la mort de Scalia en février, la Cour suprême est réduite à huit membres. Quatre ont été nommés par les Bush et Reagan, quatre sont dus à Clinton et Obama. Du fait de l’approche des élections, le Sénat a bloqué la nomination de Merrick Garland, choisi par Obama conformément à la Constitution : trouver un nouveau “justice” sera une des premières tâches du prochain président.
Concrètement, il est donc extrêmement probable que la Cour suprême, actuellement divisée, bascule elle aussi dans une majorité républicaine dès février ou mars. Et ça, ça peut avoir une influence majeure sur la marche du pays : si le Congrès républicain souhaite légiférer dans le sens de certaines promesses de campagne de Trump, elle sera forcément saisie. Je n’imagine pas qu’elle n’ait pas dès 2017 à se prononcer sur certaines orientations de la politique du pays.
Un exemple simple : en 2014, Obama annonçait le programme Dapa, qui devait accorder un droit de résidence temporaire aux parents étrangers d’enfants américains. Le Texas et 25 autres États, estimant que cette politique n’était pas conforme à la Constitution et ne dépendait pas de l’État fédéral, ont attaqué ce programme en justice. Après plus d’un an de procédure, la Cour suprême a été appelée à se prononcer sur la question ; en juin dernier, elle a annoncé être bloquée, 4 contre 4, et laisser les juridictions inférieures se décider. Imaginons qu’elle doive se prononcer à nouveau sur la question en 2017 : avec un Justice républicain de plus, le programme ne sera pas juste suspendu en attendant les décisions judiciaires, mais définitivement enterré, laissant le Texas libre d’expulser les parents d’enfants américains comme il l’entend.
La jurisprudence de la Cour suprême est une source de droit loin d’être négligeable, et le choix du remplaçant de Scalia pourrait avoir une influence réelle sur la marche du pays.
En février, le GOP aura donc non seulement la direction de nombre d’États, mais aussi les pouvoirs fédéraux exécutif, législatif et sans doute économique. Et pour ceux qui souhaiteraient faire examiner la constitutionnalité des mesures prises, le pouvoir judiciaire fédéral penchera également du côté républicain. Ça n’est pas juste la question de Trump : c’est l’ensemble de la politique américaine qui va basculer comme un seul homme.