Et si je défendais le Manu-Manu ?
|Oui, ce titre est bizarre. Évidemment, je défends le manu-manu, cet animal paisible quoique vif et parfois buté, qui broute les prairies du A et que Philémon parvient à dresser.
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Mais aujourd’hui, le “Manu-Manu”, c’est le fait que Manuel Valls soutienne Emmanuel Macron. Et ça, c’est un peu plus difficile à soutenir, vu que Manuel Valls s’était engagé à soutenir le vainqueur de l’élection primaire organisée par le Parti socialiste, le Parti écologiste, le Front démocrate et le Parti radical de gauche, et que ledit vainqueur s’appelle Benoît Hamon.
Valls, en fait, se trouvait dans une position délicate à la sortie de cette primaire. D’un côté, il s’était engagé à soutenir Hamon ; de l’autre, Hamon lui avait pourri son mandat, avait foutu la merde dans son gouvernement et s’était présenté à la primaire avec un projet, comment dire… Légèrement différent de celui de Valls.
Oui, comme un film de Michael Bay est légèrement différent d’un Sam Mendes, comme le brennevín est légèrement différent du punch planteur de mon père, comme le chou-fleur est légèrement différent du chocolat aux amandes, comme je suis légèrement différent de Manuel Valls, voilà.
Or, pour quoi vote-t-on ?
Vote-t-on d’après une logique partisane ou d’après ses principes, ses valeurs, son idéologie ?
Si l’on considère que le but de l’élection est de faire ressortir la conviction majoritaire du peuple et qu’on fait partie dudit peuple, on a le devoir de voter en fonction de ses convictions, sans égard pour les amitiés, les inimités, les stratégies et les probabilités sondagières.
Or, il est très clair depuis très longtemps que les convictions de Valls sont bien plus proches de celles de Macron que de celles de Hamon. Si vous pensiez qu’il y avait une différence entre les idées d’Elizabeth Guigou et celles de François Bayrou, ben sachez que le fossé entre Hamon et Valls est peut-être plus creusé encore.
Le choix de Valls en faveur de Macron n’est donc pas une anomalie.
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Le Manu-Manu n’est pas une anomalie, mais ça n’en est pas moins un parjure : Valls s’était engagé à soutenir le vainqueur de la primaire.
Ça met évidemment crûment en lumière une clause absolument scandaleuse de cette primaire (et d’autres, du reste) : participer implique de renoncer à son libre-arbitre. Or, sans libre-arbitre, point de citoyenneté. Je trouve extrêmement troublant qu’on exige ainsi des candidats de renoncer par avance à leur liberté de conscience.
Mais ça met en lumière un autre point extrêmement important : pour Valls, la parole donnée n’a pas de valeur.
Je soupçonne une bonne dose d’inconscience dans sa signature — sans doute, dans son petit cerveau pétri de convictions, n’a-t-il jamais réussi à imaginer que la ligne Montebourg-Hamon puisse l’emporter alors que la ligne centriste domine le parti depuis trois bonnes décennies.
Mais ça n’est pas une excuse. Au moment où il signait “je m’engage à soutenir publiquement […] et à m’engager dans sa campagne”, s’il avait une once d’honneur, il se serait posé la question : “suis-je vraiment prêt à soutenir publiquement Jean-Luc Bennahmias si par hasard il l’emportait ?” Et s’il avait une once d’honneur et d’honnêteté, il aurait refusé de signer cette charte sans être profondément prêt à participer à la campagne de chacun des autres candidats à la primaire.
Le problème, ce n’est pas que Valls soutienne Macron : c’est normal sur un plan idéologique. Le problème, c’est l’inconséquence d’un type qui signe n’importe quelle promesse et peut revenir sur sa propre parole comme si ça n’avait aucune importance.
Dis, Manu, quand tu signes un bon de commande, tu te dis “je verrai après la livraison si j’ai envie de payer ou pas” ? Quand tu as épousé ta femme, tu t’es dit “bon, fidélité, secours et assistance, on verra un autre jour” ?
Et bien, ce qui est impardonnable, c’est que tu aies signé un engagement citoyen avec moins de réflexion et moins de conviction que quand tu cliques sur “Passer la commande” chez Amazon.