Et si je défendais le Manu-Manu ?

Oui, ce titre est bizarre. Évi­dem­ment, je défends le manu-manu, cet ani­mal pai­sible quoique vif et par­fois buté, qui broute les prai­ries du A et que Phi­lé­mon par­vient à dresser.

Oui, le manu-manu n’a pas les ongles très propres. — des­sin Fred

Mais aujourd’­hui, le “Manu-Manu”, c’est le fait que Manuel Valls sou­tienne Emma­nuel Macron. Et ça, c’est un peu plus dif­fi­cile à sou­te­nir, vu que Manuel Valls s’é­tait enga­gé à sou­te­nir le vain­queur de l’é­lec­tion pri­maire orga­ni­sée par le Par­ti socia­liste, le Par­ti éco­lo­giste, le Front démo­crate et le Par­ti radi­cal de gauche, et que ledit vain­queur s’ap­pelle Benoît Hamon.

Valls, en fait, se trou­vait dans une posi­tion déli­cate à la sor­tie de cette pri­maire. D’un côté, il s’é­tait enga­gé à sou­te­nir Hamon ; de l’autre, Hamon lui avait pour­ri son man­dat, avait fou­tu la merde dans son gou­ver­ne­ment et s’é­tait pré­sen­té à la pri­maire avec un pro­jet, com­ment dire… Légè­re­ment dif­fé­rent de celui de Valls.

Oui, comme un film de Michael Bay est légè­re­ment dif­fé­rent d’un Sam Mendes, comme le bren­nevín est légè­re­ment dif­fé­rent du punch plan­teur de mon père, comme le chou-fleur est légè­re­ment dif­fé­rent du cho­co­lat aux amandes, comme je suis légè­re­ment dif­fé­rent de Manuel Valls, voilà.

Or, pour quoi vote-t-on ?

Vote-t-on d’a­près une logique par­ti­sane ou d’a­près ses prin­cipes, ses valeurs, son idéologie ?

Si l’on consi­dère que le but de l’é­lec­tion est de faire res­sor­tir la convic­tion majo­ri­taire du peuple et qu’on fait par­tie dudit peuple, on a le devoir de voter en fonc­tion de ses convic­tions, sans égard pour les ami­tiés, les inimi­tés, les stra­té­gies et les pro­ba­bi­li­tés sondagières.

Or, il est très clair depuis très long­temps que les convic­tions de Valls sont bien plus proches de celles de Macron que de celles de Hamon. Si vous pen­siez qu’il y avait une dif­fé­rence entre les idées d’E­li­za­beth Gui­gou et celles de Fran­çois Bay­rou, ben sachez que le fos­sé entre Hamon et Valls est peut-être plus creu­sé encore.

Le choix de Valls en faveur de Macron n’est donc pas une anomalie.

Extrait de la Charte éthique des can­di­dats à la pri­maire, signé par Manuel Valls le 15 décembre 2016. — docu­ment trou­vé sur Twitter

Le Manu-Manu n’est pas une ano­ma­lie, mais ça n’en est pas moins un par­jure : Valls s’é­tait enga­gé à sou­te­nir le vain­queur de la primaire.

Ça met évi­dem­ment crû­ment en lumière une clause abso­lu­ment scan­da­leuse de cette pri­maire (et d’autres, du reste) : par­ti­ci­per implique de renon­cer à son libre-arbitre. Or, sans libre-arbitre, point de citoyen­ne­té. Je trouve extrê­me­ment trou­blant qu’on exige ain­si des can­di­dats de renon­cer par avance à leur liber­té de conscience.

Mais ça met en lumière un autre point extrê­me­ment impor­tant : pour Valls, la parole don­née n’a pas de valeur.

Je soup­çonne une bonne dose d’in­cons­cience dans sa signa­ture — sans doute, dans son petit cer­veau pétri de convic­tions, n’a-t-il jamais réus­si à ima­gi­ner que la ligne Mon­te­bourg-Hamon puisse l’emporter alors que la ligne cen­triste domine le par­ti depuis trois bonnes décennies.

Mais ça n’est pas une excuse. Au moment où il signait “je m’en­gage à sou­te­nir publi­que­ment […] et à m’en­ga­ger dans sa cam­pagne”, s’il avait une once d’hon­neur, il se serait posé la ques­tion : “suis-je vrai­ment prêt à sou­te­nir publi­que­ment Jean-Luc Ben­nah­mias si par hasard il l’emportait ?” Et s’il avait une once d’hon­neur et d’hon­nê­te­té, il aurait refu­sé de signer cette charte sans être pro­fon­dé­ment prêt à par­ti­ci­per à la cam­pagne de cha­cun des autres can­di­dats à la primaire.

Le pro­blème, ce n’est pas que Valls sou­tienne Macron : c’est nor­mal sur un plan idéo­lo­gique. Le pro­blème, c’est l’in­con­sé­quence d’un type qui signe n’im­porte quelle pro­messe et peut reve­nir sur sa propre parole comme si ça n’a­vait aucune importance.

Dis, Manu, quand tu signes un bon de com­mande, tu te dis “je ver­rai après la livrai­son si j’ai envie de payer ou pas” ? Quand tu as épou­sé ta femme, tu t’es dit “bon, fidé­li­té, secours et assis­tance, on ver­ra un autre jour” ?

Et bien, ce qui est impar­don­nable, c’est que tu aies signé un enga­ge­ment citoyen avec moins de réflexion et moins de convic­tion que quand tu cliques sur “Pas­ser la com­mande” chez Amazon.