Et s’ils étaient des femmes ?
|Et si les candidats à la présidentielle étaient tous des femmes ? C’est le sujet d’une planche d’images qui tourne beaucoup sur les réseaux sociaux depuis hier. Ça peut inspirer plein de questions. La plus évidente : laquelle est la plus attrayante, ou comme le dit poétiquement Yatangaki sur le forum Jeuxvideo : “Vous baisez laquelle ?”
Notons en passant que ce premier réflexe, qu’on trouve sous mille formes différentes, n’est pas anodin : il veut dire que le premier critère d’évaluation d’une femme est sa désirabilité sexuelle. Peu importe qu’elle soit intelligente, compétente, sadique, légère, non, ça on s’en fout : la question, c’est laquelle tu veux dans ton lit — et si tu désires une femme, c’est pour son physique, bien sûr. Le forum Jeuxvideo n’est pas un haut lieu de la pensée féministe, la plupart des “gameuses” qui s’y sont aventurées peuvent en témoigner, mais il est troublant de voir à quel point ce réflexe est répandu dans la population générale.
Bref.
Du coup, je vous propose un jeu plus intéressant : s’ils étaient des femmes, quelles seraient-elles ? Quelles seraient leurs vies ?
Là, je passe au délit de faciès, pardon, je voulais dire aux idées reçues sur le physique, la présentation, etc. C’est à peine moins dégradant, me direz-vous peut-être, sauf que du coup, je me suis aperçu d’un truc : en femmes, nos candidats sont plutôt plus variées qu’en hommes — à part Poutou, leurs versions masculines ressemblent peu ou prou toutes à des énarques, avocats, banquiers ou choses de ce genre.
Petit tour d’horizon.
Jeanne est retraitée de la gendarmerie dans les Causses. Comme beaucoup d’anciens gendarmes, elle a un petit penchant pour le rouge et la nostalgie de la vie de caserne. Son grand plaisir dans la vie : le club d’échecs du lycée de Millau, qu’elle anime tous les mercredis de 14 h à 17 h après une demi-heure de route. Ça, et séparer son mari et son frère quand ils en viennent aux mains à la fête du village.
Françoise était prof de biologie, mais elle est devenue femme au foyer après avoir épousé un député de la Nièvre. Elle fait bonne figure aux inaugurations d’écoles maternelles, mais fondamentalement, elle s’ennuie. Elle aimerait que son mari se fasse jarter en juin pour enfin pouvoir faire un tour du monde avec les pots-de-vin qu’il a accumulés pendant ses quatre mandats.
Emmanuelle, première dauphine de miss Alsace en 1997, a fait des photos publicitaires pendant dix ans, épousé le directeur régional Grand Est de la chaîne de supermarchés Carrefour, et divorcé il y a trois ans. Elle passe ses soirées avec ses copines à boire du chardonnay, mais fondamentalement, elle s’ennuie et regrette de ne pas avoir eu d’enfants.
Lucienne est gardienne d’immeuble dans le 16è arrondissement parisien. En 2009, elle a lu Anna Karenine, mais elle a trouvé ça long et son immeuble n’a pas été racheté par un Japonais. Elle se console en se disant qu’au moins, elle n’est pas veuve, mais elle attend la retraite avec impatience, bien qu’elle ne sache pas trop ce qu’elle pourra faire pour s’occuper le moment venu.
Bénédicte est prof d’anglais à Rennes. Elle aime son boulot, s’entend bien avec ses “petits êtres humains”, mange au self avec ses élèves et passe plus de temps dans la cour qu’en salle des profs. Elle aime bien ses collègues aussi, mais il faut encore qu’elle envoie bouler Boulet — le prof de maths, qui lui fait des avances tous les deux mois depuis qu’elle a été mutée en Bretagne.
Nicole est secrétaire de direction au Crédit Agricole de Roubaix. Elle est fière de sa carrière, de son mariage, de ses enfants. Efficace et professionnelle, elle a acquis la confiance de toute l’agence et c’est naturellement vers elles que les gamines de l’accueil se tournent quand elles viennent de se faire plaquer. Mais fondamentalement, elle s’ennuie et se dit qu’elle aurait dû faire gestion plutôt qu’info-com.
Philippine est attachée de presse pour GoPro. Elle approche la cinquantaine, mais elle reste enthousiaste et déborde d’idées fun qui collent bien à l’image de son employeur. Elle est en train de voir pour louer un taureau mécanique pour son “event” de vendredi. C’est un peu cher, mais si le gros dégueu qui n’est pas invité mais sera là quand même pouvait se casser une guibolle, ça vaudrait le coup quel que soit le prix.
Jacqueline vit au Touquet ; le couronnement d’Elizabeth II l’a fait rêver et elle ne s’est jamais remise de la mort de Grace Kelly. Elle a trois enfants, sept petits-enfants et déjà deux arrière-petits-enfants, et n’a jamais bien compris Simone Veil : enfin, quoi, avoir une grande famille est le but de toute femme, non ? Ses petits-enfants la considèrent comme une vieille gâteuse et lorgnent avec impatience sur l’héritage.
Françoise a décroché son bac pro manutention à 21 ans dans un lycée de banlieue d’Arras, puis a mis des endives dans des cartons jusqu’à la naissance de son quatrième. Depuis, elle est mère au foyer ; elle n’a pas les moyens de payer la crèche et va de meeting en meeting avec son dernier — sa principale activité, ces jours-ci, est de dire aux gens de voter Le Pen, qui comprend les vrais problèmes des vraies mères de famille, elle.
Voilà, c’est tout ce que j’ai sous la main comme clichés éculés pour aujourd’hui. Si quelqu’un a des images de Marine Le Pen et Nathalie Arthaud en hommes, je me demande à quoi ça pourrait ressembler. Quoique Le Pen, génétiquement, on voit un peu une ressemblance avec quelqu’un…