Succès = échec

Un suc­cès peut être un échec : telle est la conclu­sion amu­sante des quatre pas­sages rapides que Voo­doo a effec­tués hier à Clarks Ranch, Idaho.

C’est très simple : pour que les records aient un sens, la Fédé­ra­tion aéro­nau­tique inter­na­tio­nale impose un écart de 1 % pour homo­lo­guer une amé­lio­ra­tion. Mais les ins­tru­ments de mesure four­nissent eux des chiffres bien plus pré­cis que cela.

Voo­doo comp­tait battre le record abso­lu de vitesse pour un avion à moteur à pis­tons, déte­nu depuis 28 ans par Rare Bear. Celui-ci avait atteint 850,24 km/h ; il fal­lait donc atteindre 858,74 km/h pour l’ef­fa­cer des tablettes.

Voo­doo a réa­li­sé une vitesse homo­lo­guée de… 855,23 km/h.

Ça doit être frus­trant, non ?

Voo­doo, débar­ras­sé de son habi­tuelle pein­ture vio­lette et soi­gneu­se­ment poli pour le record. — pho­to Pur­suit Aviation

Le truc vrai­ment amu­sant, c’est que d’a­près Pur­suit Avia­tion, char­gé des prises de vues du record, “bien qu’il n’ait pas bat­tu de 1 % le record de Rare Bear […], il a effec­ti­ve­ment été le plus rapide dans sa classe de poids”.

Le Mus­tang et le Bear­cat font sen­si­ble­ment la même masse à la base, envi­ron 3,2 t à vide et un peu moins de 6 t au décol­lage. Ça les ins­talle natu­rel­le­ment dans les C‑1e, classe des appa­reils de 3 à 6 t au décollage.

Deux théo­ries : soit, grâce à l’al­lè­ge­ment effec­tué pen­dant sa pré­pa­ra­tion, Voo­doo est des­cen­du dans la classe C‑1d, de 1750 à 3000 kg. Dans ce cas, il bat­trait effec­ti­ve­ment le record en C‑1d, déte­nu depuis 2011 par N46463 (un Yak-3U qui, a prio­ri, n’a pas de sur­nom par­ti­cu­lier), mais pas en C‑1 (avion ter­restre à moteur à pis­tons, toutes masses confon­dues). On se retrou­ve­rait alors dans une situa­tion amu­sante où le record pour avions à pis­tons “toute caté­go­rie” serait légè­re­ment infé­rieur au record pour avions pis­tons “de telle masse”.

Autre hypo­thèse : Voo­doo est tou­jours consi­dé­ré comme C‑1e, et dans ce cas, dire qu’il a été le plus rapide dans sa classe est un tour de passe-passe sans inté­rêt visant juste à reven­di­quer un lot de conso­la­tion facile — le record actuel dépasse à peine les 510 km/h, alors que des avions de cette masse tournent régu­liè­re­ment à plus de 750 km/h à Reno — en fei­gnant d’i­gno­rer que le “vrai” record des C‑1e a, en son temps, été enre­gis­tré en C‑1 tout court.