La police en fait trop
|A Rio, la police en fait trop avec « Rogério 157 »
C’est ce que nous dit Le Monde.
Le problème, semble-t-il est qu’un groupe de flics ayant enfin arrêté un caïd brésilien en a profité pour prendre la pose.
Déplacé ? Peut-être. C’est vrai que quand on parle droits de l’homme, il est inhabituel de voir un type photographié comme un gibier capturé par des chasseurs.
Mais c’est pas tous les jours qu’on choppe un caïd. Pour ceux qui l’ont fait, il y a de quoi se réjouir, et puis soyons honnête : la plupart des gens sur ces photos sont d’une génération qui se tire le portrait pour tout événement un tant soit peu remarquable. Le prévenu lui-même ne semble pas choqué ou surpris, et une des policières a d’ailleurs laissé entendre qu’il avait lui-même proposé de faire des photos.
Évidemment, ça peut poser un problème à la justice : au moment même de son arrestation, ceux qui l’arrêtent font passer un présumé trafiquant, gangster et meurtrier pour une star sympa qui fait des selfies comme un chanteur avec ses fans. Difficile alors de le vendre au tribunal comme un Al Capone sanguinaire. Mais bon, c’est le boulot du procureur, et il y a sans doute des cas plus difficiles à plaider.
Et reprocher aux flics d’avoir pris de telles photos, c’est leur reprocher de se réjouir d’un gros succès attendu depuis longtemps. Pour les vingtenaires-trentenaires, de nos jours, le selfie fait partie des réjouissances, ni plus ni moins.
Bien sûr, on peut regretter que ça n’améliore pas miraculeusement la situation des Cariocas, mais si on doit attendre que tout aille bien dans le monde pour se réjouir, on n’est pas près d’ouvrir la prochaine bière.
Et puis, est-ce vraiment si nouveau et scandaleux ?
Il y a vingt-quatre ans, le bloc de recherche de Medellín abattait un autre trafiquant/gangster/assassin bien connu. À l’époque, la pellicule coûtait cher, les appareils photo n’étaient pas si courants, le mot selfie n’était même pas inventé et l’auto-portrait ne faisait clairement pas partie de la vie quotidienne des quidams.
Et puis, autre petite différence notable, il ne s’agissait pas d’un trafiquant fraîchement arrêté et presque souriant pour la photo, mais d’un cadavre fraîchement plombé et dégoulinant de sang.
Pourtant, je n’ai pas souvenir qu’à l’époque, ces photos aient causé une polémique particulière. On y voit même, dans une chemise rouge particulièrement discrète, Steve Murphy, agent de la DEA des États-Unis, pays qui a pourtant connu pas mal de polémiques liées à des photos de cadavres ou de prisonniers ; mais même ce cliché-ci a circulé et se trouve aisément en ligne, sans mention d’un quelconque scandale lors de sa publication.
Autres temps, autres mœurs, me dira-t-on. Et certainement, les auteurs de photos de chasseurs, souriant armes à la main autour du cadavre d’un trafiquant, passeraient un mauvais quart d’heure de nos jours.
Mais qu’on parle de sanctionner des policiers parce qu’ils ont se sont réjouis d’avoir réussi une arrestation de premier plan, sans effusion de sang et sans particulièrement chercher à humilier leur prévenu, ça me fait quand même bizarre aussi.