Joyeux anniversaire
|Papa avait des goûts discutables. Enfin, disons-le clairement : en matière d’esthétique, c’était un pervers atteint au plus dernier degré. Nul ne fut donc réellement surpris de le voir draguer de l’autre côté de la Manche, terre frustre où les laiderons pullulaient.
Mais voilà qu’en pleine gestation, Papa décéda, laissant la famille entre les mains d’un grand théoricien de l’esthétique. Beau-père accidentel d’un nouveau-né qu’il n’avait pas désiré, celui-ci ne tarda pas à renier l’enfant, laissant sa mère anglaise s’occuper quasiment seule de lui faire découvrir le monde. Pire encore, alors que le petit apprenait tout juste à nager, son parâtre n’hésita pas à lui jeter sur la tête un de ses enfants génétiques — notre héros du jour survécu à la noyade, mais garda désormais soigneusement les pieds hors de l’eau.
Les trahisons du beau-père ne masquèrent pourtant pas ses qualités : costaud, simple, résistant, peu regardant sur le confort, il ne rechignait pas à la tâche et s’avéra à l’aise dans le désert et les montagnes, voyageant avec succès de Mauritanie au Pakistan en passant par l’Irak et la Yougoslavie. Désormais quinquagénaire, il reste fringant, mais habite à 6000 km des pays où il a grandi et n’y revient plus guère. Aussi, chez nous, ceux qui l’ont connu en sont réduits à partager des souvenirs, en ironisant sur son physique pour masquer leur émotion.
Joyeux anniversaire, SEPECAT Jaguar.